Ce pays étrange et effrayant où je ne voulais pas aller

Black-out, trou noir, absence… Je n’ai rien écrit (ici en tout cas) depuis octobre. Disparition des radars du web mais pas de ceux de ma vie dont les cahots m’ont porté là où je ne voulais pas. Dans un pays étrange, et sombre, et incertain, et perlé de questions sans réponses, où je n’avais pas envie d’aller. Un pays qui n’a rien à voir avec la Chine dont nous avons continué à arpenter les paysages et les hauteurs éblouissantes pendant ce temps-là. Un territoire que nous portons maintenant en nous, partout où nous allons. Nous sommes arrivés à Shanghai sans lui, et nous l’emmènerons avec nous lorsque nous quitterons ce pays du Grand Bond, où que nos pas nous portent. Nous avons fait un deuxième grand saut dans l’inconnu, sans boussole ni carte du territoire ni grand chose à quoi nous accrocher à part l’amour indéfectible que nous avons les uns pour les autres.

C’est fou comme quelques mots lâchés à la fin d’une consultation, comme des tests où vous prenez conscience que quelque chose de grave est à l’oeuvre peuvent vous faire passer d’un monde à l’autre. C’est fou comme ça peut faire peur, comme ça peut faire pleurer. Comme ça peut mettre en rage contre les mots maladroits, les consolations qui n’en sont pas, les remises en question de ce que vous faites, les accusations que ça pourrait bien être votre faute tout ça. C’est fou comme vous voudriez ne pas être là et comme vous n’avez pas le choix et comme vous vous découvrez la capacité à faire face malgré tout. Pas toujours avec le sourire, pas toujours avec optimisme ou légèreté, mais debout tout de même.

Après des mois de tempête je commence à sortir la tête de l’eau. On a un diagnostic. On ne l’aime pas parce qu’il sera toujours là, mais aucun d’entre nous ne va en mourir, et avec un peu de chance à la fin des fins, dans de nombreuses années on pourra peut-être dire qu’on s’en est finalement tous bien sortis. Alors pour l’instant on s’aménage, chacun à sa façon, chacun avec ses mots, sa sensibilité, ses particularités. Pour moi c’est les montagnes russes, un coup ça va, un coup ça va pas, mais la pente commence à être à nouveau ascendante. Et je sais, je veux croire qu’un jour ça ira. Que le chemin sera difficile – il l’est déjà – mais qu’on le parcourra tous ensemble et qu’on en sera peut-être grandis comme famille et comme individus. Et qu’on ira tous bien, et qu’on s’aimera toujours, peut-être même encore plus fort.

Ce voyage intérieur on y est pour longtemps, et ça ne nous empêche pas de continuer à nous adonner aux autres voyages, ceux dont j’ai omis de vous abreuver ces derniers mois et qui continuent à nous combler de beauté et de gratitude pour la chance que nous avons de faire ces expériences, malgré tout le reste. Les rayons du soleil et les éclats de rire peuvent porter jusqu’au pays sombre, il suffit juste d’écarter deux trois branches.

Nulle promesse pour l’heure de tenter de rattraper le retard que j’ai pris ici dans le récit de nos petites vies. Un jour après l’autre et chaque jour selon ce qu’il est possible de faire, la vie vient de nous apprendre ça.

Je ne vais pas si mal ne t’en fais pas. Je vous embrasse.

 

 

Illustration : Hommage à Zao Wou-Ki, Linda Murray (huile sur toile)

 

40 Comments

  1. Pas de mots mais plein de bonnes ondes pour vous aider a traverser ce pays sombre…. Même si elle est parfois très dure, la vie reste belle … il faut juste arriver à porter les valises qu’elle nous met tout le long du chemin. bises

    • Merci Mme C, la vie est effectivement parfois plus pleine de hauts sommets et de sombres vallées que de larges plaines. La plaine c’est parfois ennuyeux, mais ça repose aussi… 😉

  2. Je ne connais pas le diagnostic, tout au moins pas le dernier, l’officiel, mais je comprends tous les tourments, questionnements que ça peut provoquer. La « pause » était une bonne solution, je suis néanmoins très contente de « te » voir réapparaître dans ma messagerie.
    Bises affectueuses.

  3. Je ne te cache pas que j’aurais aimé lire d’autres nouvelles. Je te souhaite d’arriver à surmonter tout ça. Courage à toi et à ta petite famille.

    • Merci Aileza, j’ai l’impression que le plus dur est derrière nous, au moins en termes d’angoisses, reste un long chemin à parcourir, et au bout peut-être un joli petit coin de ciel bleu…

    • Merci Stéphanie, tout le truc c’est que justement ce n’est pas juste une période et qu’on va devoir faire avec ça dans les 15 ou 20 ans qui viennent… Mais on apprendra à s’y repérer dans ce drôle de pays, et qui sait, peut-être même à l’apprécier… Bises !

  4. Je ne sais pas trop quoi vous dire, sinon que je souhaite tous les éclats de rire et tous les rayons de soleil du monde, vous les méritez.

  5. Je ne vous connais qu’à travers « Le grand bond » et je pensais à vous il y a quelques jours … « tiens ça fait longtemps qu’elle n’a pas publié … »
    Quoiqu’il en soit, continuez … c’est tellement bien écrit …
    Je ne peux que vous envoyez des ondes positives et du courage, on en a jamais trop !

    • Merci Carole, c’est vrai qu’on n’en a jamais trop. Et j’espère réussir à être un peu plus régulière par ici à partir de maintenant…

  6. Quoi qu’il se passe, je vous souhaite plein de courage pour partir à la découverte de ce nouveau pays. Bien que sombre, je vous souhaite de réussir à en découvrir ses espaces lumineux et les rayons de lumière qui doivent bien s’y trouver 🙂

  7. J’espère que vous viendrez à bout de ce nouveau périple… Je suis contente de te lire mais, comme beaucoup, j’aurai préféré d’autres nouvelles…
    Gros bisous

    • Au bout plutôt qu’à bout, mais ce sera déjà pas mal… To be continued in many years en l’occurence… Bises !

  8. Je sais ce que vous traversez tous et je suis là, à l’écoute, en réserve, pour aider, pour soutenir ou soulager. Juste pour être là,
    Tu as raison l’amour est une vraie force ! Et tu en as auprès et autour de toi.
    Mille bisoussssssss

  9. Je suis contente d’avoir de tes nouvelles 🙂 et si petite pause il y a encore, je te lierai encore et encore. De Kiel je t’envoie le soleil que l’on a (qui semble tenir) et les belles chaleurs pour vous réchauffer et vous donner tout plein de belles ondes et d’énergies. Bises. Holy

    • Merci Holy, je suis contente de savoir qu’il y a du soleil à Kiel. Si même vous vous en avez c’est que tous les espoirs sont permis 😉 Profitez bien de l’été ! Bises

  10. Bonsoir Tara, je ne vous connais qu’à travers vos écrits sur votre blog dont ce long silence justement m’avait interpellé. Celui-ci me laisse perplexe car je ne décripte pas tout, peut-être est-ce mieux ainsi, c’est votre part d’intérieur secret. Votre état de tristesse et de souffrance on le voudrait accompagné de rêverie, alors gardez l’espoir et couchez de votre belle plume les mots parfois nécessaires pour exorciser l’inacceptable.
    Souhaits sincères d’une lectrice attentive…

    • Merci NaChine pour vos mots délicats et votre lecture attentive. Je coucherai donc les mots, ceux-ci m’ont déjà aidée à laisser une part de tristesse derrière moi. Je vous dis à bientôt.

  11. Je suis très contente de te retrouver sur la toile, mais ne m’attendais pas à un tel article. Que puis-je te souhaiter ? De l’amour, beaucoup d’amour, du courage, beaucoup de courage, et plein de beaux moments à partager en famille ou entre amis. May the force be with you ! Je t’embrasse bien fort !

  12. Un pas après l’autre, une marche après l’autre. Essayer de ne pas voir la pente qui paraît si raide. Je suis une maman qui vivait avant en bas d’une colline qu’elle ne voyait pas, et qui la gravit depuis. Toute la famille grimpe. Et quand je regarde le chemin déjà parcouru, je suis heureuse. Je vous souhaite une belle dose de bienveillance envers vous même.

    • Merci Michoko, nous ne sommes pas très haut sur la colline mais en nous retournant sur notre court chemin on voit déjà qu’on a avancé. Un pas après l’autre, et merci pour votre petit mot bienveillant.

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