L’écriture, le blog et le succès

Ca y est, je le sens, je suis en train de perdre le rythme. Des mois que j’arrivais à écrire et publier ici environ tous les trois jours et là, depuis début juin, tout se détraque. Non pas que je n’ai plus rien à dire, des idées j’en ai encore plein, et même des brouillons de billets plus ou moins avancés sur des tas de thèmes différents, mais je n’arrive plus à mettre la main sur mon envie d’écrire. J’y pense souvent, et puis non, ça ne me tente pas, je n’ai pas envie de m’y mettre et si j’avais par hasard une pointe de début d’envie de prendre mon clavier je suis taclée par la question qui (me) tue : à quoi bon ? A quoi bon écrire, pour qui, pour quoi ?

Je suis ingrate, parce que s’il y a une chose qui m’a évité de sombrer lamentablement dans la dépression de l’expat wife cette année, c’est bien l’écriture. Et je veux dire pas d’être lue ou d’avoir un retour, non, d’écrire un texte, le finaliser, m’obliger à tourner en dérision les choses pesantes ou attristantes, les digérer, en faire quelque chose pour moi plutôt que les subir. Et chaque fois que je terminais un texte, quelle que soit sa qualité d’écriture je ressentais une réelle satisfaction, au minimum un soulagement. Or depuis deux semaines, mon moteur est en panne. Cette satisfaction de boucler un texte est toujours (un peu) là mais me profite moins longtemps, et l’envie (sournoise) d’être lue tente de prendre le relais. Et c’est là que je commets l’erreur fatale, l’erreur de débutante : commencer à regarder ce qui se fait ailleurs et à m’y comparer.

Autant vous le dire : quand je vois que d’autres blogs sur lesquels je m’égare par hasard cartonnent sur les réseaux sociaux à coups de billets sur « comment se faire un joli nail-art façon piscine lagon » ou « comment être soooo fashionable avec une jupe-culotte » dans une syntaxe pas toujours orthodoxe, je me demande vraiment si je ne ferai pas mieux de troquer le blog contre un journal intime. Mettez vous à ma place : j’avais vaguement connaissance du fait que le cinéma était nommé septième art, mais j’ignorais totalement du fin fond de ma grotte que le nail-art était devenu le huitième. Peut-être devrais-je arrêter l’écriture et inventer le diaper-art (je suis assez forte dans l’art de changer une couche) pour rester dans le move, j’hésite encore… Toujours dans ma grotte chinoise, j’ignorais aussi qu’il était possible d’être soooooo fashionable avec une jupe-culotte, moi qui en ai porté dans les années 70 avec des sous-pulls en acrylique qui gratte et pour qui la jupe-culotte reste définitivement associée aux pattes d’eph’ (qui si ça se trouve sont aussi redevenues sooooooo fashionable mais pour ma tranquillité d’esprit je préfère ne même pas le vérifier).

Tout cela appelle une révolution copernicienne de mes repères, et je suis prise de la tentation fugace de brûler les hérétiques plutôt que d’accepter cette nouvelle réalité : le monde entier (je veux dire pas que la Chine) est déjà conquis par le nail-art et ne rêve que de légèreté et de textes de moins de 200 mots sans trop de termes compliqués dedans. Et je ne parle même pas des blogs voyages avec photographies quasi-pros et textes dignes du Routard Futé qui donnent envie d’arrêter à tout jamais de vous montrer mes modestes pérégrinations.

Bref, parfois je me demande vaguement (un peu plus précisément les mauvais jours) si publier aussi régulièrement est vraiment une bonne idée et si la seule chose qui compte désormais n’est pas finalement la légèreté (voire la vacuité) du propos et/ou d’aider les lecteurs à organiser leurs vacances. Point de textes trop longs, fi des considérations qui s’emballeraient à vouloir aligner trois idées cohérentes, halte aux sujets vaguement culturels, haro sur les thèmes sérieux. Et d’un coup je me demande ce qui m’a pris de vous parler de Matteo Ricci ou du massacre de Nankin quand je n’ai encore rien publié sur les manucures en Chine. Il serait temps que je comprenne enfin les tables de la Loi : sur un blog, le nail-art et les combinaisons années 80 honoreras sinon aux oubliettes tu tomberas. Avec son corollaire : de ta grossesse et du bonheur incomparable d’être mère tu parleras, et ta dysorthographie tout le monde te pardonnera.

Je n’entrevois donc plus qu’une issue : me laisser pousser les ongles façon impératrice chinoise, prendre une deuxième voire une troisième ayi pour avoir du personnel à mon service jour et nuit rapport à mes nouveaux appendices ongulaires, un nègre pour écrire à ma place et évidemment une manucure pour alimenter le blog régulièrement de ce qui sera devenu le nouveau centre de ma vie. Le succès m’attendra enfin et mon existence prendra tout son sens.

Je vous laisse, je dois déprimer encore quelques jours pour digérer la dernière découverte de Copernic et je reviens (peut-être)…

 

Source photo : King Writing

GrandBondMilieu_ecriture_ongle

23 Comments

  1. Erreur fatale ! Ne jamais se comparer sinon on ferme boutique dans la minute^^
    Ton blog est très bien comme il est, tu écris ce qui te plait avec ta personnalité et ça c’est le plus important ! Au diable le nail art (moi non plus connaissais pas avant d’être sur hellocoton) et les jupes culottes 😉
    Tu nous fais un bloggy blues, c’est normal ça arrive à toute bonne blogueuse qui a un minimum de retour sur elle.
    Est-ce que t’as vu au moins que tu faisais partie de mes copines cosmiques ? ça c’est la classe^^
    Allez on se redresse et on continue à écrire de jolis articles 🙂

    • Et oui, erreur fatale mais qui profite d’un petit coup de mou et de doute pour s’installer… Que celui qui ne l’a jamais fait me jette la première pierre 😉
      Quant au bloggy blues, c’est vraiment la lose : si maintenant c’est écrire qui me file le bourdon, on n’est pas sorties de l’auberge… Pour l’instant je crois que je vais lever le pied un peu, en tout cas ne me mettre aucune pression et écrire quand ça me vient, probablement un peu moins souvent. Et les vacances et les fromages qui puent vont certainement me ressourcer (très très certainement en ce qui concerne les qui-puent).
      Cosmiquement bluesy…

  2. Je me suis reconnue dans ce que tu dis ^^ Je viens de commencer à blogger depuis peu (dans la catégorie beauté) et déjà je remarque que ce que je publie, et surtout ce que j’ai l’intention de publier plus tard, ne sont pas dans la vague. Après, je trouve ça dommage de se modeler par rapport à ce qui marche… Alors fière d’être anti-mouton je vais continuer. En tout cas j’espère que ton envie d’écrire reviendra.

    • Je voudrais écrire autre chose que ce que j’écris que j’pourrais point, je suis convaincue qu’on écrit comme on est (et certaines sont « nail-art » et d’autres non…). Il faut juste que je travaille un peu mon indifférence au reste du monde 😉

  3. Surtout n’arrête pas !!!!
    J’adore te lire, tes billets toujours tellement bien écrits et plein d’humour sont attendus avec impatience dans ma boîte mails !!!!
    Alors avec l’heure du retour qui approche, peut être as tu besoin d’un « break ». quant à moi je n’ai plus le courage, ni l’envie en ce moment de mettre le mien à jour (en jachère depuis Mars … !!!), mais je persiste à croire que l’envie reviendra quand j’aurai posé le pied sur le sol chinois !!!!
    Amicalement

    • Ca doit être normal alors ces passages à vide… j’attends de voir votre blog regonflé par le vent de la Chine 😉

  4. Surtout, ne changez pas ! J’adore votre ton décalé et caustique, et votre point de vue rafraîchissant sur la Chine et la vie d’expat. Bien plus que les nail-arts (quoi qu’il y aurait de quoi dire sur les nail-arts chinois – êtes vous déjà allé vous faire les ongles ici ? C’est une sacré expérience).

    Je préfère de loin un article fouillé, bien écrit, avec de la consistance, qu’un article écrit à la va vite qui ne raconte rien du tout. Je reconnais que certains nail-arts sont fantastique, et impressionnants lorsque nous les voyons, mais en ce qui me concerne, ce sont des articles vite lus et vite oubliés. Les vôtres me font bien plus rire, et me font même découvrir/re-découvrir des aspects de Shanghai !

    Mais je reconnais moi-même me poser la question de l’intérêt de mon blog. Et il est bon alors de se rappeler de pourquoi on l’écrit. En ce qui me concerne, c’est pour garder le lien avec mes amis restés en France, qu’ils puissent savoir ce qui se passe par ici. Si, en plus, je peux leur donner envie de venir, tant mieux ! Du coup, avec ça en tête, je me satisfais très bien des 3 clampins qui passent sur mon blog, tant que, quand je rentre les voir en France, ceux-ci on pu voir / lire ce que je fais ici, et nous pouvons en discuter ensemble. Et certains sont même venus me voir suite à ça !

    • Merci chère Renarde,
      j’adore moi aussi vos billets hors des sentiers battus et parfois improbables, vous avez donc au moins moi et 3 clampins parmi vos lecteurs réguliers ce qui constitue le début d’une troupe de fidèles…
      Peut-être reviendrai-je regonflée à bloc de mon premier retour en France cet été en me rendant compte que tous mes amis savent déjà exactement ce que j’ai fait cette année (parfait : on pourra se concentrer religieusement sur la raclette sans perdre de temps en discussion sur « c’est comment la vie à Shanghai »), et s’ils en veulent encore j’étudierai avec bienveillance la possibilité de rempiler pour la deuxième année 😉

      • Merci, ça fait toujours plaisir de voir que notre prose est appréciée.

        Par contre, je préviens, le blog ne permet pas de passer tout de suite à la raclette. Au contraire, ils ont en général eu le temps de préparer leurs questions, et donc, de passer de la phase où ils vous écoutent benoîtement et impressionnés, à la phase ou vous croulez sous les questions (et des questions intelligentes et précises, pas les questions vagues de ceux qui n’y connaissent rien). Mais au moins, il n’y aura pas de blanc dans la conversation autour de la raclette !

  5. Bonjour Tara,
    Je lis assidument votre blog depuis que je l’ai découvert via votre billet sur l’opéra cantonais : sujet peut-être moins populaire que le nail-art, mais, fan d’opéra allant bientôt me délocaliser à Hong Kong, c’est un sujet qui m’intéresse beaucoup ! D’ailleurs merci pour ce billet qui m’a vraiment donné l’envie d’aller voir ça de plus près.
    Je lis beaucoup de blogs (humeurs, voyage, lecture… peu consacrés aux jupes-culottes, cela dit) et parmi cette masse de textes, j’aime votre ton décalé, votre humour et votre façon de nous faire rire avec des histoires qui n’ont pas dû être si drôles à vivre. J’espère être capable de prendre avec autant de philosophie les problèmes de visa et l’inévitable blues de l’expat !
    Merci de prendre le temps de rédiger ces billets approfondis et de partager ça avec nous. Je suis sûre qu’il y a d’autres lecteurs qui ne commentent pas forcément mais sautent sur tout nouvel article publié. Alors s’il y en a un peu moins souvent parce que vous n’en avez plus l’envie, tant pis, mais je lirai avec plaisir tout nouveau post !

    • Hosanna au plus haut des cieux ! Il y a au moins UNE lectrice fan d’opéra (et qui n’est ni de ma famille ni de mes amis) que j’ai réussi à intéresser à l’opéra chinois. Vous sauvez ma journée, je peux enfin apaiser toutes mes craintes : cette fois c’est sûr, je n’écris pas pour rien (et d’ailleurs ça fait longtemps que je n’ai rien publié sur ce thème, il va falloir que je songe à remettre le couvert ;-).
      Vous me direz si vous avez apprécié une fois que vous y serez allé (même s’il y a beaucoup beaucoup d’autres choses à voir à Hong Kong avant et après), on pourra s’échanger des tuyaux sur le sujet…

      • Avec plaisir pour un retour sur l’opéra cantonais ! Je suis preneuse de tuyaux, sur l’opéra ou Hong Kong en général (si j’ai l’occasion de passer à Shanghaï, il y a de quoi faire sur votre blog !)

  6. Il y a déjà assez de blogs sur le nail-art ou sur le « top 5 des conseils pour chasser le sommeil avec du maquillage ». Il faut écrire parce qu’on à envie d’écrire! Il vaut mieux être le meilleur sur un marché de niche (cf. article sur Ricci par exemple) que perdu dans la masse spongieuse des blogueurs « fashionistas » (dont certains publient même des autobiographies à 19 ans, mon dieu…). Moi-même je n’intéresse certainement pas grand monde avec mes articles sur le cinéma chinois et les pérégrinations en Birmanie… mais au moins je discute de choses intéressantes avec les quelques personnes qui me suivent et m’envoient des emails sur le sujet!

    • Vous m’intéressez au moins moi, c’est pas la terre entière mais ça m’étonnerais que je sois la seule à aimer un regard un peu décalé sur l’Asie 😉

  7. Quand j’ai lu ton article je me suis dit : « tiens, on dirait moi ! »… Mais oui, par comparaison avec deux de mes copines qui se sont mises sur le créneau mode/beauté, j’ai beaucoup moins de succès… Par contre, je m’éclate ! Continue d’écrire des humeurs au moins pour moi 🙂

    • Je vais certainement continuer, surtout pour moi, même si ça fait du bien (vraiment) d’avoir des petits mots d’encouragements 😉

  8. Et bien Tara, on dirait effectivement un bon gros coup de mou…… moi j’aime beaucoup tes billets pleins d’humour et d’esprit et qui nous apprennent des choses à mon avis bien plus intéressantes que le nail art ou autre… pour le reste c’est comme dans la vie, on ne peut plaire à tout le monde et de toute façon la première personne pour qui on fait un blog c’est bien nous même et tant que tes billets te ressemblent et disent ce que tu as envie de dire c’est à mon avis le principal et tant pis si tu ne remportes pas des tas de « like » pour autant tu ne crois pas?

    • Petit le coup de mou, petit… Raaaaaaaah, si on ne peut même plus s’autoflageller – certes publiquement – en paix sans que tout le monde s’inquiète, ou va-t-on ? 🙂 Ca va repartir, ça repart déjà d’ailleurs… Merci en tout cas.

  9. Courage! On connait tous ça à un moment ou un autre, on se compare aux blogs qui « marchent » et c’est l’erreur fatal. Je pense qu’on passe tous par ce blues « bloguesque », j’ai moi-même aucune régularité dans les posts de mon blog. Je laisse parfois des mois passés avant de poster un nouvel article. Je m’étais posée les mêmes questions que toi et j’ai failli fermer mon blog. Ce qui m’a empêché de le faire est le simple fait que j’ai pris conscience que ce qui m’animait ce n’était pas d’être lu ou vu (pourtant on a tous cette envie d’être « reconnu », on doit bien l’avouer), simplement l’envie de partager. Après si je suis lue tant mieux sinon tant pis et surtout j’écris seulement quand j’en ai envie, quand j’en ressens le besoin. Surtout ne ferme pas ton blog car j’aime beaucoup tes articles. J’espère que tes vacances te permettront de revenir en plein forme. Bonne vacances!

    • Merci pour le petit mot, et je suis sûre que les vacances me feront du bien, la fatigue de l’année s’accumule aussi il est temps de souffler 😉

  10. Votre blog rassemble 2 qualités indispensables aux futures dépressives de mon espèce : utile et drôle. Que demander de plus ? Surtout ne changez rien, par pitié…. Des milliers de femmes pourraient sombrer si vous deviez fermer boutique !

  11. Mais ce qu’on s’en f… du nail art ! Et les diapers, j’t’en parle même pas. Si tu pouvais nous éviter le calvaire de la propreté du petit dernier aussi je suis preneuse.
    Bon courage , l’envie de tout envoyer balader au mois de juin est un gros symptôme de l’expatriation (même avec du personnel de maison haha), ça va passer, et les vacances arrivent !

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