La joueuse de go

Voilà donc l’été revenu et avec lui un temps plus important, voire privilégié pour la lecture. Du moins pour ceux qui ne préfèrent pas courir après ces pokemons qui semblent captiver la moitié de la planète au point qu’ils se chasseraient parait-il même au volant de sa voiture sur l’autoroute. A dire vrai je préfère la lecture, ça me parait plus sain et moins dangereux, surtout rapport au fait que j’ai mal au coeur chaque fois que je lis en voiture et que je ne risque donc pas de quitter la route des yeux. Bref, ce sont les vacances, et même si mes enfants s’évertuent à avoir besoin de moi quand je voudrais finir mon chapitre, j’ai tout de même pu en profiter, ce qui m’amène aujourd’hui à vous parler de la Joueuse de go de Shan Sa. A ne pas confondre évidemment avec le Maître de Go de Kawabata qui n’a de commun avec lui que le go. Ce qui est beaucoup et peu à la fois.

Plusieurs d’entre vous m’avaient recommandé de lire un ou plusieurs livres de Shan Sa, et autant vous le dire voilà un conseil que je ne regrette pas d’avoir suivi. Si comme moi il y a peu vous ignorez totalement qui est Shan Sa, laissez moi éclairer votre lanterne en quelques phrases. Comme son nom le laisse deviner, Shan Sa est née chinoise, à Pékin exactement, dans une famille de lettrés où elle a commencé à composer des poèmes dès l’âge de sept ans (et à les publier à 10). Elle quitte la Chine pour Paris en 1990, étudie la philosophie à l’université et l’histoire de l’art à l’Ecole du Louvre, va vivre quelque temps chez Balthus qu’elle admire et y rédige son premier roman. « Porte de la Paix Céleste » puisque c’est le nom de ce livre remporte le prix Goncourt du premier roman. Le deuxième – Les quatre vies du Saule – remporte le prix Cazes quand le troisième – La joueuse de Go – remporte le prix Goncourt des lycéens. Cela ne s’arrête pas là mais cela vous donne déjà l’idée générale : Shan Sa n’est pas n’importe qui dans le paysage littéraire mondial. Accessoirement elle peint et fait également de la photographie. Et elle est belle. Bref. Le genre de fille qui pourrait énerver si elle n’avait pas le bon goût de nous laisser ses livres à disposition.

La joueuse de go est un roman dont l’originalité réside dans le fait qu’il est construit sur une narration à deux voix alternées. Celle d’une jeune lycéenne chinoise de Mandchourie, nourrissant une passion et une compétence rare pour le jeu de go (ordinairement réservé aux hommes) et celle d’un jeune officier de l’armée japonaise s’apprêtant à envahir la Mandchourie d’abord, puis le reste de la Chine. Ils vont évidemment finir par se rencontrer, mais le talent de Shan Sa est de nous faire vivre ces personnages et leurs histoires respectives bien avant cette rencontre. Elle nous fait ainsi vivre de l’intérieur à la fois les soubresauts de l’histoire dans ce contexte de guerre sino-japonaise, sans rien omettre de ses dessous les plus sombres, mais surtout l’initiation au désir et à l’amour de chacun des protagonistes, avec son lot de déceptions, d’erreurs et de surprises inattendues. Et le tout sans que jamais un mot ne soit échangé entre les deux protagonistes. Je ne vous révélerait rien de la fin, ce serait trop cruel, mais sachez qu’on y courre avec l’impatience de ceux qui n’ont aucune idée de comment tout cela va se terminer et qu’on finit la lecture en ayant l’impression d’avoir lu un livre qui compte.

Voilà en tout cas une première expérience qui m’invite à aller piocher à nouveau dans l’oeuvre de cet auteur, et notamment à aller voir du côté d’Impératrice (chez Albin Michel), histoire de la seule femme ayant régné en tant qu’Empereur sur la Chine (sans même se cacher derrière un paravent comme la grande Cixi)… Je ne manquerai pas de vous en faire un compte-rendu dès que le moment sera venu. Et d’ici là tous chez votre libraire !

 

A lire : La joueuse de go, Shan Sa, en poche chez Folio (Gallimard), 325 pages.

Source image : site officiel de Shan Sa.

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10 Comments

  1. Je ne puis qu’abonder dans ton sens… J’ai decouvert il y a longtemps Shan Sa par La Joueuse de Go, qui reste mon roman prefere de cet auteur, a la plume pleine de finesse.
    Quant a Shan Sa elle-meme, a chaque fois qu’elle s’exprime dans les medias, je la trouve surtout incroyablement enervante de suffisance… Heureusement qu’on ne lit pas un livre en fonction du coefficient de sympathie pour celui qui l’ecrit 😉

    • Ah ! Elle a donc un énorme défaut pour contrebalancer le fait qu’elle est belle, intelligente et talentueuse, il y a bien une justice ici-bas 😉 En tout cas ça donne vraiment envie d’aller lire la suite…

  2. Je suis très très fan des écrits de Shan Sa, et la joueuse de go est l’un de mes préférés, je ne peux donc que soutenir ce choix de lecture (il y a juste « les conspirateurs » que j’ai un peu moins aimé).

    J’ai hâte de lire ton opinion sur « Impératrice », qui est mon autre préféré (surtout que j’ai une fascination pour Wu Zetian).

    • Le thème d’Impératrice m’a l’air évidemment très alléchant, il faut juste que je trouve le temps de m’y mettre 😉

  3. Je vais tâcher de me procurer au plus vite ce roman, tu me donnes envie de découvrir cette auteure !
    Bonnes lectures ! Profite de tes derniers jours de tranquillité !

    • Rien de plus facile maintenant que tu es revenue en Europe, surtout qu’un certain nombre sont disponibles en version électronique. Bonne lecture et je vais essayer de profiter de ces derniers jours de vacances 😉

  4. Well, je suis à peu près sûre de rejoindre incessamment la cohorte en gestation des lectrices de Shan Sa. C’est une bonne idée aussi d’avoir rappelé toutes les autres invitations à lire. J’avais oublié le livre sur l’impératrice Cixi.

    Bonnes pages à toutes !

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