Manger chinois à la mode de Nankin

Vous l’aurez sans doute remarqué, le Grand Bond au Milieu n’est pas exactement un blog culinaire. Je dirais même que sa rubrique « Manger manger ! » en est le parent pauvre, et pourtant ce n’est pas faute d’aimer manger, et même d’aimer beaucoup manger (voire d’aimer manger beaucoup), ni faute d’avoir testé – le plus souvent avec bonheur – bon nombre de restaurants depuis notre arrivée à Shanghai. Et de restaurants chinois, parfaitement. Moi qui boudait la cuisine chinoise, je suis en train de découvrir et de l’apprécier dans toute sa diversité et ses saveurs.

A la demande réitérée de mon amie Anastasia qui attend de quoi se pourlécher les babines à distance, je vais donc tenter de vous donner envie de venir manger en Chine (avec des ambitions pareilles, vous comprenez mieux pourquoi je ne me lance pas souvent dans la rubrique cuisine…). Plus modestement, je vais vous donner un aperçu totalement subjectif et partial de l’art de manger à Nankin.

Et d’abord, permettez moi de vous exposer une expérience que nous avons faite il y a quelques semaines lors de notre court séjour dans l’ancienne capitale impériale. Après plusieurs heures de promenade en extérieur par environ 5° celsius, un froid humide s’était mis insidieusement à remonter le long de mes tibias pour me glacer jusqu’à la moelle. Sauvés de la glaciation par l’heure de déjeuner, nous sommes entrés dans le premier restaurant chinois de bonne mine que nous avons trouvé sur notre chemin et nous sommes installés sur les sièges-bancs cernant notre petite table carrée pendant que MMM nous choisissait un assortiment de bonnes choses à manger.

Et là, assise et glacée sur mon siège-banc, je me rends compte que la porte du restaurant est grande ouverte. Que dis-je la porte ? Le grand portique d’entrée est entièrement ouvert et la température intérieure est donc strictement égale à la température extérieure. Un réflexe obélixien me fit penser immédiatement « ils sont fous ces chinois ». Un second réflexe plus intellectuel me rappela cette scène du film Epouses et concubines ou les quatres « épouses » du maître de maison mangent dans une pièce ouverte à tous les vents, uniquement défendues du froid par leurs épais vêtements à bordure de fourrure. Scène qui m’avait inspiré à l’époque un « c’est bien la peine de vivre dans un palais avec quatre femmes si c’est pour manger dans le froid glacial ». Bref, la frileuse qui est en moi hurlait de toutes ses fibres pour que quelqu’un ferme la porte, mais la faim fut la plus forte : mieux valait avoir froid que chercher un hypothétique et peut-être lointain restaurant chauffé.

Heureusement, parmi les plats qui couvrirent rapidement notre table se trouvait une délicieuse et brûlante soupe de nouilles aux légumes. Et là j’ai eu une révélation : lorsqu’on mange chaud dans un endroit glacial, et bien on n’a pas froid. A condition de garder son manteau évidemment, mais je vous jure : je n’avais plus froid. Du tout. Et après un deuxième bol de soupe et une ou deux tasses d’eau chaude je me sentais même vraiment bien réchauffée et presque faite pour être chinoise. Pour un peu je me serai prise pour Gong Li. Comme quoi ce sont les chinois qui ont raison : ne pas chauffer la pièce où on mange c’est écolo, il faut juste penser à bien chauffer la soupe.

De retour à Shanghai, nous avons emmené quelques jours plus tard ma maman dans un restaurant que nous aimons beaucoup : Nanjing Impressions, situé sur Nanjing Lu (évidemment). Le décor nous plonge dans la Chine d’il y a un siècle, avec ses lampions décorés d’idéogrammes, les serveurs habillés à la mode de 1920, les serveuses et leurs nattes d’écolières et les musiciens et chanteuse qui assurent l’ambiance musicale. Mais le plus important c’est que c’est bon, mais bon… Absolument TOUT est bon, en particulier les plats de canard, spécialité de la cuisine nankinoise. Ce soir là, nous nous sommes régalés de gyozas au porc, de galettes de navet frites, de cacahuètes cuites au miel (commandées par curiosité et qui se sont révélées une bonne surprise), de xiaolongbao au canard (c’est à dire de petites bouchées à la vapeur, contenant viande et soupe), de haricots « carrés » à l’ail, de nouilles sautées à la sauce soja, de canard aigre-doux au vinaigre balsamique et de boules frites au sésame. Et tout, mais absolument tout était délicieux. C’est difficile de vous le décrire car chaque plat en lui même développe plusieurs saveurs subtiles (c’est pour ça qu’il faut que vous veniez goûter vous-même). C’était un vrai festival gustatif pour nos papilles et je crois qu’à part quelques morceaux de canard plein d’os nous n’avons strictement rien laissé.

D’ailleurs les shanghaiens ne s’y trompent pas (d’autant que ce restaurant est étonnamment bon marché) et la queue pour pouvoir obtenir une table est impressionnante. A tel point qu’il y a une salle d’attente avec un système de tickets, et que les futurs clients attendent facilement jusqu’à une heure, voire plus, la chance d’obtenir une table. J’avoue que nous avons fait joué nos relations (une copine qui connait la patronne) pour sauter honteusement la queue. C’est moralement assez discutable, mais jouer de son guanxi (de ses relations) c’est tout à fait chinois non ? On s’intègre, on s’intègre…

Aller, prochaine étape : je vais demander à mon ayi de m’apprendre à faire des dumplings (des raviolis chinois), et je vous promets que je vous raconte ça bientôt.

 

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11 Comments

  1. Bravo Tara, bravo et mille mercis !
    Tout cela me donne faim, me donne envie de cuisiner, de foncer dans le 13 eme. Mais quel régal!
    Ce canard, ces cacahouètes au miel et surtout cette
    Soupe, ce bouillon secret !!
    C est promis, ce soir je t envoie une pensée en mangeant un peu de conté affiné et autres spécialités fromagères!
    À très vite
    Anastasia

    • J’ai mis le temps, mais j’ai fini par le faire ce premier billet sur la cuisine chinoise. Ca fait des mois que je pense à toi en me disant « il faudrait quand même que je parle de bouffe pour Anastasia » 🙂 Tu vois, j’écoute mes lecteurs, même si c’est parfois à retardement…
      Bises !

    • Ca fait prévu du tour prévu pour vous (enfin, si on arrive à surmonter l’épreuve de la queue, je ne sais pas si je vais oser faire jouer mon guanxi à chaque fois 🙂 )

  2. Hmmm !!! Je sens les fumets jusqu’ici …
    Tu ne dis pas comment est composé le « menu », s’il y a menu. J’ai le souvenir d’avoir été invitée à diner par le Président adjoint de l’Université de Pékin (et sa femme) lors de leur séjour à la résidence Ariane à Meylan. Tout était prêt à 18h et nous (ma mère, ma fille et moi) avons commencé vers 18h15, à mon grand désespoir car mon cerveau a vite fait la relation entre le repas au restaurant d’où je sortais, pour je ne sais plus quel anniversaire et les multiples plats que j’entrapercevais sur le plan de travail de la cuisine. J’ai gouté à tout – il y avait 10 préparations différentes – et j’ai aussi trouvé ça délicieux. J’aurais bien aimé avoir un « doggy bag » mais bon, je n’avais pas eu à faire la queue pour avoir une table, je n’allais pas en plus me comporter comme la pire des malpolies françaises (encore que j’en avais terriblement envie,…. je rigole !).

  3. Ce billet met l’eau à la bouche.

    Il est absolument impossible de pleinement apprécier la cuisine chinoise en France, tant ce que nous pouvons trouvez là-bas dans les « restaurants chinois » n’a pas grand chose à voir avec ce que nous trouvons ici. D’ailleurs, je parle de « la », mais je devrais plutôt dire « les cuisines chinoises », tant elle est diversifiée.

    Et bon courage pour apprendre à faire les raviolis ! On arrive assez vite à faire un ravioli mangeable, mais il faut beaucoup plus de temps pour faire un beau ravioli. Et pour ce qui est d’en faire des dizaines, c’est une autre histoire…

  4. Description et photos donnent envie, n’est-ce pas ? Et bien, c’est encore meilleur qu’on imagine !!!
    il y a bien DES cuisines chinoises; j’aime aussi la cuisine Pékinoise, plus épicée et notamment les soupes. La soupe épicée voire très épicée est devenue un de mes remèdes préférés pour dégager le nez, les bronches et les sinus : pas cher, efficace et délicieux ! :+)
    J’ai eu droit à un festival de cuisines toutes différentes et délicieuses, merci !!!!!
    Il faut juste être curieux et goûter à tout ; bonnes surprises assurées !
    Tu vas réussir les dumplings !

    • Oh oui, on s’est bien régalés pendant ces quinze jours 😉
      Et pour les dumplings, je vais tenter un premier essai cette semaine, quelque chose me dit que les miens seront un peu moins jolis que ceux d’ayi…
      Bisous

  5. Ah! le souvenirs DES cuisines chinoises….. un bonheur au regard de la cuisine brésilienne, trop salée trop sucrée et trop grasse…bien trop souvent !
    Rien que de lire ton article………mama mia : liquéfaction totale…..yummy !
    A très vite pour la suite, maintenant que j’ai l’eau à la bouche…………Abraço !

    • Décidément, tous ces commentaires vont m’inciter à vous parler plus souvent ici de cuisine chinoise. D’ailleurs je m’y prépare, j’ai déjà en réserve quelques photos pour les prochains volets de la saga délicieuse 😉

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