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En sortant du métro la semaine dernière, j’ai été frappée par un sentiment qui m’avait quitté depuis des mois : l’impression d’être absolument chez moi et à l’aise dans mon environnement. Une familiarité avec la ville, dans une rue que je n’avais jamais parcourue, au sortir d’une station jamais empruntée, une sorte d’évidence légère : l’impression que Shanghai et moi nous sommes vraiment apprivoisées. Que j’appartiens à cette ville comme j’appartenais à Paris il n’y a pas si longtemps, et qu’elle m’appartient désormais aussi un peu. Une impression subtile, presque rien, mais qui signe que six mois après le Grand Bond quelque chose s’est pleinement déployé pour moi, pour nous, ici. Ce qui veut dire aussi qu’il est grand temps que nous plantions quelques clous pour suspendre nos photos au mur au lieu de nous contenter de notre jolie déco chinoise un peu impersonnelle. Ce sera l’opération du week-end.

Alors, six mois après notre arrivée et à la veille du nouvel an chinois, serait-ce l’heure d’un nouveau bilan de cette drôle d’idée qui nous a prise de venir nous installer à l’autre bout de la planète ? Pourquoi pas, mais alors un bilan sans colonne de recettes, sans calcul d’excédent d’exploitation ou de dépréciation des actifs, juste un petit bilan à l’aune de ma subjectivité et de ce qui me traverse l’esprit.

Je vais faire les questions et les réponses, ce sera plus simple. Alors franchement, six mois après, est-ce que ça valait le coup de sauter le pas ? Oui, oui et oui, sans arrière pensée, sans double-fond, sans retenue, sans chose pointue qui gêne au fond de la chaussure : nous avons bien fait de partir. Est-ce qu’on peut être heureux à Shanghai malgré la pollution, le bruit, le gigantisme, l’éloignement, le régime politique et un accès à internet un peu compliqué ? Oui, étonnamment, et beaucoup plus que ce à quoi je m’attendais. Est-ce que je regrette aujourd’hui quelque chose dans cette expérience ? Non, aucun regrets pour l’instant. Des manques, tous les jours, surtout des gens que j’aime (qui ont le bon goût de venir faire des sauts chez nous pour adoucir les bâts qui blessent), mais pas de regrets.

Pour autant vive-je dans une bulle cotonneuse et idéalisée, à grand renfort de substances chimico-addictives qui font voir la vie en rose ou de virées shopping dans les centres commerciaux de luxe pour oublier les petites choses qui énervent en Chine ? Et bien non, pas de chimie, pas de carte bancaire qui explose, et il y a des petites choses qui m’énervent. Pas beaucoup, juste quelques unes, mais qui m’agacent pour de bon. Ça m’exaspère par exemple de me retrouver debout avec mon plateau chargé de Big Mac et de Happy Meal, mes deux gremlins affamés pendus à mes basques face à des chinois tranquillement assis seuls à une table de quatre dans un restau bondé, qui n’ont strictement rien acheté chez Mac Do, qui viennent juste là pour surfer tranquillement sur leur iPhone dans les odeurs de graillon en se moquant éperdument que vous soyez obligé de manger debout ou par terre avec vos gosses. « Ça m’exaspère » est une litote, en réalité seul un effort sur moi-même m’empêche de hurler. Je supporte mal les bruits de mastication et d’aspiration bruyante de la soupe quand certains chinois mangent, ça me dégoûte (en revanche je supporte très bien leurs crachats arrachés des entrailles, allez savoir). Je crispe un peu quand un taxi me fonce dessus alors que j’ai Beauté Blonde assis dans sa poussette, tout ça pour ne pas légèrement infléchir sa trajectoire et faire un « détour » d’un mètre en passant juste derrière moi plutôt que pile là où je me trouve. Et je déteste qu’on ne puisse jamais acheter tout ce dont on a besoin dans un seul supermarché (il manque toujours un truc qu’il faut acheter ailleurs). Et voilà. Je crois que c’est tout.

Pour le reste, j’entends des tas de choses qui insupportent d’autres expats en Chine : la rudesse des chinois dans le métro, le fait qu’ils disent peu bonjour si vous ne les connaissez pas, leur supposée saleté, leurs crachats évidemment, leur manière de parler fort, la difficulté à gérer les ayis, l’immonde pollution, l’internet haut-débit qui flirte incessamment avec le 0 Kbits/s, et tutti quanti. Moi ça me glisse plutôt dessus (à part internet certains soirs, j’avoue). Dans l’ensemble je le vis comme « autre pays, autres moeurs et même pas mal ». Je n’exclus pas que cela puisse finir par m’insupporter à l’usure et que j’arrive un jour à saturation de la Chine (beaucoup d’expats plus anciens le décrivent, il n’y a pas de raison que j’y échappe), mais pour l’instant je suis sous le charme de ce que je découvre des chinois et de leur culture.

Alors pour fêter cette nouvelle ère de notre installation ici, cette toute fraîche sérénité ainsi que le nouvel an chinois, nous allons partir retrouver des amis du 13ème arrondissement partis à l’étranger deux ans avant nous et maintenant installés à Bangkok. Oui, le nouvel an chinois en Thaïlande ça risque de ne pas tout à fait être le nouvel an chinois, et oui c’est un peu dommage de rater ça ici, mais un peu de chaleur, de plage avec les enfants et de retrouvailles avec des amis après quinze jour de grippe familiale fera du bien à tout le monde. Je sais que je viens de perdre définitivement tout espoir de me faire plaindre des difficultés de ma vie d’expat’ avec cette histoire de vacances en Thaïlande, mais tant pis. Quitte à être loin de la France, autant profiter de la relative proximité avec d’autres destinations non ?

Et après ça on sera contents de pouvoir dire qu’on rentre à la maison et que « la maison » soit à Shanghai.

 

GrandBondMilieu_Home-Shanghai-Home

 

10 Comments

    • Merci, on ne manquera pas de vous faire quelques photos, mais avant il reste encore une semaine d’école et de travail pour tout le monde 😉

  1. Bonjour, je suis un « petit français qui a très envie de sauter le pas et venir exercer ma profession en Chine.
    Je ne cache pas que je suis plein d’ interrogations,de doutes surtout que le grand saut se fera seul!!!!!
    Merci de votre réponse.
    Olivier

    • Bonjour Olivier,
      Et bienvenu par ici… Si vous avez des questions précises, vous pouvez me les poser par mail en utilisant le formulaire de contact, j’y répondrai dans la mesure des mes possibilités. Et en attendant, bonne cogitation sur ce projet !

  2. Bonjour,nous sommes une famille française,en expat à Xi’an depuis juillet 2014.Nous rentrons d’un Week end à Shanguai.C’est par hasard que je suis Tombée sur votre blog,que je trouve très intéressant.
    Je me retrouve dans vos mots.Meme si,à Xi’an nous sommes loin de la vie de Shanghaï.mais grâce à votre blog j’ai découvert Shanghaï comme je le souhaitais.Bonne continuation.

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