Soirée DVD en Chine

De temps en temps, nous nous demandons quoi faire de nos soirées une fois que les enfants sont couchés. Oui, même en Chine. Parfois on aurait bien envie d’une petite soirée télé devant un programme intellectuellement peu demandeur, type Top Chef ou Qui sera le meilleur pâtissier ? qui viendrait titiller notre fibre masochique en nous faisant baver d’envie devant des mets que nous ne pourrons pas goûter avant cet été. Sauf qu’ici lorsqu’on allume notre télé, nous avons le choix entre TV5 Monde et une nième rediffusion du Plus Grand Cabaret du Monde (alternative : un film « d’auteur » inconnu, tendance prise de tête éthérée, dialogue minimaliste et regards lourdement signifiants) ou une chaîne américaine qui nous proposera un blockbuster (dans le meilleur des cas) ou une téléréalité navrante (type concours de saut dans la boue de rednecks au milieu du Wyoming). Du coup, les DVD deviennent les meilleurs amis de certaines de vos soirées.

Et un jour vous arrivez au bout de la totalité des DVD que vous avez amené dans vos valises et il faut vous aventurer en dehors de ces sentiers connus. Il est alors temps de vous acheter vos premiers DVDs en Chine. Et ceci est une bonne nouvelle car c’est l’occasion de faire une vraie expérience chinoise à prix modique.

Première étape : acheter le DVD. Là oubliez votre Fnac ou votre boutique de déstockage de quartier, ne songez pas à Amazon.fr et encore moins à Amazon.cn et mettez vous en quête de votre petit revendeur de DVD pirates local. Vous aurez toutes les chances de le trouver à la sortie de votre résidence ou sur dans un quartier commerçant, installant ses tréteaux devant sa camionnette, sur le porte-bagage de son vélo ou disposant son stock directement sur le trottoir. Les versions les plus huppées vous proposerons une vraie boutique (mais des DVD tout aussi pirates) : donnant directement sur la rue pour les plus établies, ou sous forme de l’arrière-salle d’une autre boutique, de vêtements par exemple. Une fois votre revendeur identifié, reste à choisir un film. Outre un large choix de films chinois en costumes, qui nécessitera une maîtrise parfaite du mandarin, vous aurez aussi le choix parmi une large gamme de films internationaux (souvent américains, mais aussi pas mal de films français), majoritairement d’action ou de science-fiction mais s’aventurant aussi parfois dans d’autres registres (comédies romantiques, films jeunesse, voire films d’auteurs). Avec des prix moyens de 8 à 12 kuais le DVD (soit 1 à 1,5 euros environ), la tentation d’importer des DVD non piratés à prix d’or restera réservé aux plus scrupuleux.

Deuxième étape : visionner votre DVD. C’est évidemment la meilleure partie, et pas que parce que le film serait bon. Visionner un DVD pirate chinois c’est aussi et d’abord franchir quelques étapes non dénuées de surprises et qui ne vous laissent pas oublier que vous êtes en Chine. D’abord, le disque va-t-il bien correspondre au titre que vous pensez avoir acheté ? Le plus souvent, oui, mais pas toujours ce qui laisse toujours planer une légère forme de suspense. Nous nous réjouissions par exemple de regarder Gatsby le Magnifique, je commençais à m’installer confortablement dans le canapé quand MMM coupa net mon élan : « euh, le disque c’est celui d’un Jason Bourne ». Je n’ai rien contre la saga Jason Bourne, mais franchement quand je me suis préparée à regarder Leonardo en costume et quasi oscarisé je n’ai pas envie d’un film d’action, fut il réglé au millimètre… Petit souci réglé le lendemain, il suffisait d’acheter la « special edition », qui n’avait donc de spécial que le fait que cette fois c’était le bon film.

Et une fois le disque introduit dans le lecteur, nouvelle surprise. On choisit évidemment la VO sous-titrée en anglais et là on se rend vite compte que c’est la version chinoise que nous entendons et lisons. Retour au menu principal, schcrogneugneu, et exploration du menu des langues. Bon, donc anglais = chinois , essayons « espagnol » pour voir. Ah oui, donc espagnol ça donne la version anglaise, pour les sous-titres c’est chinois ou rien. Va pour l’anglais non sous-titré, c’est déjà pas mal. Bref, pour le menu des langues, mieux vaut tenter la créativité et ne pas se laisser désarçonner : les pirates négligent un peu cette partie, d’où quelques improvisations poétiques.

Pour les sous-titres, les options sont souvent limitées. La plupart du temps c’est en chinois ou rien. Quand on n’a vraiment pas de chance c’est en chinois sans pouvoir enlever l’option. Et si on n’a vraiment vraiment pas de chance les sous-titres sont placés non pas sous l’image mais sur l’image (voire en plein milieu). Au bout de minutes de film on finit par s’y habituer et ne plus trop les voir. Parfois on peut aussi avoir des sous-titres en anglais. Dans les meilleurs cas c’est de l’anglais compréhensible et syntaxiquement correct qui va vraiment vous aider à suivre le film (option dite du « pirate de luxe »). Une fois sur deux c’est plutôt une traduction « google » brute de décoffrage parsemée de caractères chinois qui vous font douter de vos oreilles (par exemple quand « leave ! » est sous-titré (en anglais donc) par « etc. etc. », ou « don’t touch me » par « father not me »). Voyez le bon côté des choses : faites confiance à vos oreilles, vous allez progresser en anglais. Au moins une chose est sûre : la bande-son existe toujours en version originale, ce qui est déjà un bon point de départ.

Troisième élément : pirater c’est mal

Si vous avez comme moi été imprégnés des spots « télécharger c’est du vol », si vous avez cessé de charger des fichiers pirates avec la mise en place d’Hadopi et d’une manière générale mené votre vie avec une honnêteté exemplaire, acheter des DVD pirates vous fait subitement basculer du côté obscur de la force. D’ailleurs le FBI vous le rappelle : copier ce matériel est un délit et vous fait tomber sous le coup de la loi fédérale. Diable. Ça ferait presque peur si le FBI n’avait a priori que peu de possibilités d’intervenir en République Populaire de Chine. Les producteurs de films vous le rappellent également en inscrustant à intervalle régulier des mentions « Disney (ou Weinstein) property – do not replicate ». Bon, ben oui, on a acheté un DVD pirate, mais franchement c’est ça ou ne pas s’acheter un seul film en trois ans. Alors tant pis, je travaille ma culpabilité, cultive mon côté rebelle et brave le FBI.

Et tout cela nous donne de surcroît l’occasion de voir des films que nous n’aurions jamais vu en France, comme The Interview (finalement pas sorti en salle mais disponible en Chine dès le buzz fait), ou Outcast (très mauvais film mélangeant Hayden Christensen et Nicholas Cage en croisés fuyant leur remord dans l’Empire du Milieu et les enfants d’un empereur chinois assassiné, ébouriffant amalgame de vacuité scénaristique, de mise en scène grotesque et de jeu d’acteur indigent). Là honnêtement on se dit qu’on aurait pu s’éviter ça, mais à 8 kuais la séance de ciné, on relativise assez facilement. Et il y a aussi toutes les bonnes surprises que cela nous a permis (Maléfique, Gemma Bovery et Quai d’Orsay pour ceux qui me viennent spontanément en tête), alors maintenant c’est fait : les DVD pirates font partie de notre quotidien shanghaien. Et nous sommes preneurs de toute suggestion de film à voir qui nous éviterait un « Outcast 2 ».

 

Crédit photo : Dani de Dani-mon-oeil

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8 Comments

  1. Pas de remords ou de culpabilité : vous êtes soumis à une loi universelle comme tout le monde et comme l’a démontré Darwin : on s’adapte ou on disparaît ! J’admire votre très belle adaptation !!!!!

  2. Plusieurs suggestions qui devraient vous permettre de passer un bon moment:’
    Gone girl
    Nightcall
    Yves saint Laurent
    Et puis si vous trouvez la série Scandal, laissez vous tenter!

    • Hello Blandine !
      Et merci pour les suggestions. On a déjà Gone Girl dans nos tiroirs, on l’abordera donc avec un a priori positif 😉
      A+

  3. J’ajoute Margin call (les heures qui précèdent le scandale des supprimes) a la liste, car je suis tombée dessus cette semaine et c’est une assez bonne surprise.

  4. En ce qui concerne les DVD, je préfère repérer la boutique « en dur » la plus près de chez moi. Les DVD coûtent plus chers (20RMB env.), mais au moins, c’est le bon DVD, de bonne qualité, avec les bonnes langues et les bons sous-titres (dont des sous-titres en anglais). Bref, comme le vrai DVD! D’ailleurs, ils ont des beaux certificats aux murs qui assurent que « si si, nos DVD sont des vrais! ».

    On manque donc un peu d’imprévu. Mais parfois, après une longue journée, ce n’est pas forcément une mauvaise chose.

    • J’aime beaucoup le certificat « si, si, ce sont des vrais » 😉 Il peut nous arriver aussi d’aller dans une boutique, mais honnêtement le petit vendeur au pied de la résidence c’est tellement plus pratique. Peut-être que dans quelques années je serai lassée de ces surprises numériques et que je ferai comme vous, pour l’instant je tiens encore bon…

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