Pied-main-bouche : psychose médicale à la chinoise

Voilà un sujet fondamental que je n’ai pas encore abordé ici : aller chez le médecin en Chine. Et quelle meilleure entrée en matière que la comedia dell’arte qui s’est jouée cette dernière semaine à l’école de Beauté Blonde autour de la hantise toute chinoise d’une épidémie de maladie pied-main-bouche. Avant notre arrivée en Chine jamais nous n’avions entendu parlé de cette maladie à la dénomination si poétique. « Pied-main-bouche » tout simplement parce les symptômes consistent en une éruption de petites vésicules sur les pieds, les mains et dans la bouche, et sans doute parce qu’ils n’ont pas trouvé un seul médecin qui accepte de donner son nom cette maladie peu ragoûtante (ne faites pas comme moi : n’allez pas chercher des images dans google). C’est une maladie virale, extrêmement contagieuse au contact, et tout aussi bénigne qu’elle est contagieuse. Un peu de patience et un travail de fond de notre système immunitaire suffit à s’en débarrasser et ne devrait pas susciter plus d’émotion qu’une épidémie de gastro (voire moins, car jamais un nourrisson n’est mort de déshydratation à cause du pied-main-bouche). Enfin ça c’est ce qu’un occidental se dit.

Le chinois quant à lui vit dans la hantise d’une épidémie de pied-main-bouche. C’est qu’il y a quelques années il y a eu des morts figurez-vous. Des morts dûs à l’administration d’un anti-viral très dangereux et non au virus lui-même mais qu’importe : parlez de pied-main-bouche à un chinois et vous aurez l’impression d’avoir prononcé le mot Ebola. Chaque école chinoise ou sous réglementation chinoise est donc pourvue d’une ou plusieurs infirmière chargée de vérifier chaque matin la température et l’état de la bouche des enfants avant de les autoriser à entrer. Et la semaine dernière, branle-bas de combat à l’école de Beauté Blonde : un cas de pied-main-bouche a été diagnostiqué, et dans sa classe par dessus le marché. Affolement général, vidage des classes où ne restent que le mobilier et les jouets qu’on peut désinfecter chaque jour, quarantaine (les enfants n’ont plus le droit d’aller en récréation pour contenir la contagion), examen infirmier renforcé chaque matin, désinfection des mains au gel hydro-alcoolique, exclusion des frères et soeurs des enfants infectés, etc. On sent bien qu’ils résistent à la tentation de fermer directement l’école et de déclarer le couvre-feu dans la ville. Quelques jours plus tard, on franchit un cran dans l’horreur : deux nouveaux cas dans une autre classe. Les deux infirmières sont au bord de la syncope et les parents chinois sont livides. Moi je suis comme d’habitude et j’emmène mon gamin à l’école. Mais lundi patatras : Beauté Blonde se réveille de la sieste avec un aphte énorme. Le genre d’aphte qui ne passera jamais au travers de l’examen matinal de l’infirmière et qui laisse craindre qu’il ait attrapé le fameux virus.

En mère responsable et respectueuse des psychoses traditionnelles locales, je préviens l’école et emmène derechef le minus chez le médecin. Un médecin français, doté d’un bon sens européen et très peu enclin à céder à une crise de panique face au pied-main-bouche, ce qui est d’ailleurs une des raisons pour lesquels on l’a choisi. Là en 10 mn j’apprends qu’effectivement Beauté Blonde a des aphtes et que ça peut être dû à n’importe quoi d’autre que le pied-main-bouche (par exemple au fait que la veille il avait amoureusement léché une barre dans le métro ?). Que de toute façon il n’existe aucun test permettant d’établir la présence du virus et donc de confirmer ou infirmer le diagnostic, rendant vaine toute attestation de non-contagion. Et que je peux donc me préparer à garder mon enfant à la maison le reste de la semaine car il ne passera jamais le barrage du cerbère scolaire transcendé par l’angoisse de la peste. Et ces dix minutes rassurantes et frappées au coin du bon sens m’ont délestée de 1055 kuais, soit l’équivalent de 150 euros. Le bon sens médical coûte très cher en Chine mais pour le prix Beauté Blonde a eu droit à une sucette.

Depuis deux jours mon fils est donc en vacances anticipées de Noël, joue toute la journée en se marrant comme une baleine, et ne présente aucune vésicule disgracieuse aux endroits stratégiques ni ailleurs. Bref, il n’a pas le pied-main-bouche mais à l’idée de devoir sans doute retourner chez le médecin pour lui obtenir un certificat médical inepte de non-contagion au tarif de 150 €, sésame officiel l’autorisant à faire sa rentrée en janvier, je crois que c’est moi qui ait des palpitations. Finalement c’est rudement dangereux le pied-main-bouche en Chine : ça crée des arythmies cardiaques chez les parents occidentaux figurez-vous…

 

GrandBondMilieu_Pied_Main_Bouche

13 Comments

  1. Les malades deviennent ils effectivement verdâtres comme le laisse supposer la photo? Auquel cas ne pourrait-on défendre l’hypothèse d’une origine extra-terrestre de ce fameux virus? Et débaptiser derechef la pathologie en « maladie des hommes verts ».

    Bon, je m’égare, là, effet sans doute de mon état de mi-veille mi-sommeil lié à mes épisodes d’insomnie.

    Bon rétablissement au bambin aphteux. Heureusement qu’il n’est pas atteint de la forme la plus sévère, celle de l’aphte de l’après midi…(Désolé, c’est plus fort que moi)

    • Non, pas verdâtres, juste pustuleux et rougeauds. Peut-être une forme de maladie de mars mais sans hommes verts…
      Et j’ai beauocup aimé l’aphte de l’après-midi 🙂

  2. Ah mais voilà pourquoi les enfants se font examiner religieusement tous les matins bouche et mains (après une prise de température au pistolet) ! Je savais que c’était pour détecter le pied-main-bouche ; je savais aussi qu’ici on en faisait tout un plat, mais je comprends mieux l’effroi général, maintenant, s’il y a eu des décès (probablement d’enfants) associés à cette maladie ! Reste à comprendre pourquoi les médecins chinois ne se disent pas aux familles que ça passe tout seul, sans médicaments, comme on peut le faire ailleurs … Mais ça, c’est sûrement une autre histoire.
    Merci en tout cas ; c’est toujours agréable d’avoir des clés pour mieux comprendre ce qui se passe autour de nous. On a moins l’impression que le monde marche sur la tête 🙂

    • Eeeeet oui, on comprend mieux d’un seul coup le pourquoi de cet étrange ballet. Quant à la psychologie médicale chinoise, j’avoue que je n’en ai pas encore les clés. Si d’aventure j’en apprends plus sur la question je ne manquerai pas de le faire savoir 🙂

  3. A chaque pays sa psychose, ici c’est le vote FN toujours plus virulent à chaque élection. Des remèdes existent mais ils sont sciemment (?) ignorés. Une seule solution, attendre le choc du 2ème tour et après on se rendort jusqu’à la prochaine élection. Finalement je crois que je préfère ton PMB.
    Enfin, toujours ravie de te lire ma chère Tara, même les sujets les plus improbables sont divertissants sous ta plume 😉

    • Ah oui, mais une psychose qui repose sur une inquiétude légitime et une psychose qui s’attache à un pauvre truc viral qui n’a jamais tué personne, ça n’a rien à voir ! L’un est facile à tourner en dérision parce qu’intrinsèquement comique, l’autre est forcément plus compliqué à avaler…
      En tout cas merci pour le compliment : divertir en écrivant sur des thèmes improbables est mon credo 🙂

  4. Arrrgh ! la malade pied-main-bouche…..que de souvenirs !!!! 2001. On rentre pour les vacances de Noël en France et pendant les 13h d’avion, notre bébé Val qui pleure, qui pleure, qui pleure…..refuse de téter, ne prend plus son pouce….l’horreur, avec le personnel naviguant qui me demande de la calmer (bin oui, quoi, c’est simple….n’est-ce pas !) et finalement, consultation en urgence dès l’arrivée, imaginant le pire (occlusion, appendicite, voir autres catastrophes…) pour entendre notre médecin de famille déclarer « Ah ! depuis le temps que j’en entendais parler, mon 1er cas en France !!!!!! ». Elle n’a eu que des aphtes en bouche + 1 sur le pied et 1 sur les mains, histoire d’affirmer le diagnostic. Tout est passé très vite mais on n’oubliera pas de sitôt ce voyage retour… ! Maintenant, en lisant tout ça, je rigole de bon cœur, merci Tara !!!! Excellente fin d’année depuis le Brésil ! Beijos.

    • Ouuuuuh la, respect pour ces 13h d’avion qui ont effectivement dû être un cauchemar (mention spéciale aux PNC encourageants : c’est vrai ça, c’est juste par pure décontraction nonchalante que les parents laissent leurs enfants pleurer pendant des heures, ils ont des oreilles en kevlar et ça ne leur tape jamais sur le système, c’est bien connu) 😉
      Excellentes fêtes brésiliennes !

      • Merci !! En fait, on rentre en France : avec une fille étudiante à Poitiers et une autre enseignante à Manille, le plus « central », c’est chez nous, en Picardie. Et puis, on avait un peu trop chaud à São…:-)

        PS : depuis ce jour, on est très tolérant, voir même empathique, pour ces parents qui trimbalent une descendance qui braille lors des traversées transatlantiques…!

  5. Ouf, quelques instants et j’ai cru que la photo verdâtre venait de ton appareil!!
    Et oui, 150€ rend les médecins occidentaux tout de suite très compétents, tellement qu’on se tient tout de suite à leur premier diagnostique!
    Ce n’est pas les chinois qui se baladent constamment avec des masques sur le visage dans les espaces publics? Ou est-ce peut-être les japonais? Eux aussi sont facilement obsédés avec les épidémies…

  6. Et bien dis donc, ils ne rigolent pas là bas. J’ai préféré ne pas aller voir sur Internet, j’ai suivi tes conseils. C’est un peu comme un pityriasis ! Faut attendre un peu pour s’en débarrasser ! (bon j’arrête de faire comme si j’étais docteur). C’est Beauté Blonde qui devait être tout content de ne pas aller à l’école !

    • Ah non, ils rigolent pas. Quant à BBlonde qui est dans un trip « je veux pas aller à l’école, je veux rester avec maman », 4 semaines sans école c’est carrément la fête pour lui 😉

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