Un dimanche de vote à Shanghai

Ce n’est pas parce que nous vivons à l’étranger que nous nous sommes trouvés à l’abri du bruit et de la fureur de cette invraisemblable campagne présidentielle, ce n’est pas parce que nous vivons à 10 000 km de notre pays que notre citoyenneté s’est diluée dans l’éther. Hier était un jour de vote à Shanghai comme en France, avec six heures d’avance pour nous. MonMeilleurMari et moi-même avons donc glissé notre bulletin dans l’urne à l’heure ou famille et amis parisiens dormaient encore comme des bienheureux. Alors, voter à Shanghai ça ressemble à quoi ?

Première grosse différence avec la France, il n’y a que deux lieux de vote à Shanghai. Cinq bureaux de vote sur deux sites pour les quelques 20 000 français résidant à Shanghai, mais aussi dans les villes dépendant de la circonscription : Hangzhou, Suzhou, Ningbo et bien plus loin. Le vote électronique ayant été supprimé pour les français de l’étranger pour d’obscures raisons de sécurité anti-hacking russe, il restait à se déplacer en personne, voter par correspondance (au risque qu’il se perde) ou faire une procuration. Dans notre cas il a suffit de douze minutes de taxi pour nous rendre sur place, l’effort n’était donc pas bien grand. Je n’en dirais pas autant d’une copine installée à Shenzhen qui a passé sa matinée dans un taxi pour aller voter à Canton, ou des français de Montréal, Melbourne, Hong Kong ou Londres qui ont du faire des heures de queue pour pouvoir voter. Pour les 1,3 millions de français inscrits sur les listes consulaires, voter est plus encore qu’en France un acte d’engagement citoyen.

A Shanghai nous avons eu la chance de ne pas avoir à patienter longtemps une fois sur place, et les consulat avait remarquablement organisé les choses. Hormis le fait qu’on présente ici son passeport et non sa carte d’électeur, voter en Chine n’est guère différent de voter en France. Mêmes registres, mêmes isoloirs, mêmes urnes et même émargement. Seule exception : aux affiches des candidats manquait celle de Marine Le Pen. Les plus parano auraient pu penser à une manière sournoise d’orienter le vote. La réalité est plus prosaïque : l’affiche envoyée par le Front National dans les bureaux de vote de l’étranger dépassait les dimensions réglementaires (suite à un petit moment d’égarement surdimensionnel ?) et ne pouvait donc pas être placée avec les autres. Si Marine récidive au deuxième tour ça va être rigolo : avec la seule affiche d’Emmanuel Macron on se croira peut-être déjà dans un retour vers le futur post-élection. Plouf plouf. Le soir venu je me suis couchée en cauchemardant d’un deuxième tour Le Pen / Mélenchon (fallait-il alors demander l’asile politique en Chine ?) et réveillée assez soulagée, si tant est qu’on puisse être soulagé d’avoir plus d’un concitoyen sur cinq votant Le Pen (en attendant pire, je sais).

Alors au finish qu’ont fait nos concitoyens de Shanghai ? Pour commencer ils sont allés voter : 62% de participation, ce qui explique pourquoi le français était la seconde langue officielle à People Square hier. C’est certes moins qu’en métropole mais au vu du déplacement qu’il faut faire pour aller voter c’est plutôt pas mal. Pour le reste, il faut bien dire que les français de l’étranger ne sont a priori pas parfaitement représentatifs du vote français. Avec 42,7% pour Emmanuel Macron et 36,2% pour François Fillon, le duo de tête de notre circonscription n’est pas celui du deuxième tour. Ici Jean-Luc Mélenchon a recueilli 9% des voix et Marine Le Pen seulement 2,9% (Marine, les affiches !). En queue de peloton on retrouve Nathalie Arthaud qui a recueilli une seule voix : peut-être celle d’un lycéen votant pour la première fois et subjugué par son sex-appeal trotskiste, l’enquête est en cours. Les résultats sont similaires à Pékin mais avec tout de même 4 voix pour Nathalie Arthaud (effet de la proximité avec le siège du PCC ?).

Dans quinze jours nous irons à nouveau voter. Le suspense local sera limité, Marine Le Pen ne viendra probablement pas chatouiller le score d’Emmanuel Macron. Reste à savoir ce que ferons nos compatriotes en France. Alors où que ce soit dans le monde, aux urnes citoyens !

 

Crédit photo : Tengku Bahar pour l’AFP. Photo prise hier à Hong Kong et publiée sur le site de RTL.

12 Comments

  1. J’avoue être bien contente d’habiter et voter à Shanghai, et non ailleurs à l’étranger. Je les ai toujours trouvés parfaitement organisés lors des différentes élections que j’ai passé sur place. Et petite touche que j’ai fort apprécié, il était possible d’effectuer sur place les procurations pour le second tour, ce qui m’évitera un passage au consulat.

    Sinon, même stress hier soir avant de me coucher, et même « soulagement » ce matin en me levant.

    Petite remarque sur le vote électronique : il n’a jamais été prévu pour les présidentielles, uniquement les législatives. C’était déjà le cas il y a cinq ans (à la différence qu’il y a 5 ans, j’ai bien pu voter pour les législatives en ligne, ce qui était bien pratique. Je n’ai pas souvenir d’avoir entendu trop de monde se plaindre de hacking…). Mon père a aussi été testeur pour le vote électronique de cette fois-ci, et disons qu’en voyant les déboires assez folkloriques qu’il a eu, je comprends qu’il n’aura pas lieu. Ce que je ne comprends pas, par contre, c’est qu’en 5 ans, personne n’ai réussi à améliorer le système…

    • Moralité : les russes sont fort en hacking et nous on est des tanches en trucs online. C’est pas grave, l’essentiel c’est de voter, et je ferai une procuration pour les législatives dont je vais manquer un bout…
      RdV dans 15 jours 😉

  2. 62% de participation, ca faisait combien de votants a Shanghai?
    Sinon, tous les francais de l’etranger ne sont pas egaux… Chez nous (Pattaya), Marine Le Pen a eu un score de 34.5% (egalement sans affiche ;-)… Marine, les affiches! ). Pour le prochain scrutin, je crois que je vais avoir du mal a papoter avec nos co-electeurs dans la queue, quand meme (une petite heure d’attente chez nous)… Ou alors je vais fredonner l’Internationale, tenez, ca fera peut-etre antidote?…

    • 3637 votes exprimés à Shanghai. Et je suis horrifié du score mariniste à Pattaya, moi qui pensais que les français de l’étranger étaient à l’abri du repli identitaire blablabla. Comme quoi Pattaya n’est pas si éloigné d’Hénin-Baumont qu’on le croit… 🙁

  3. Le barbare craignait le même duo que toi 🙂 Mais lui n’est pas aller le voter (le vilain…)
    N’empêche, il me parlait d’abandonner la nationalité française en cas de second tour Le Pen/Mélenchon… Ouf, il reste Français !
    Bisous 🙂

    • Je le comprends (sur l’abandon de la nationalité française, pas sur l’abstention), quand je pense que j’ai failli devenir chinoise sur ce coup là 😉

  4. quel parcours du combattant j ai pu voir pour d autres régions du monde
    bon second tour
    je n ai jamais vécu d élections à l étranger mais j imagine le choc pour toi ce matin

    • Surprise le matin pour nous mais pour le reste de la France le soir, chacun son horaire. Le résultat et son impact lui ne change pas 😉

  5. Hello!
    Je trouve ça super de montrer à la France métropolitaine que nous sommes ici aussi (je suis à Shanghai depuis 2 ans) concernés par les élections! Simple petite correction, l’ambassade évalue en effet à envrion 20,000 le nombre de Français dans la région de Shanghai mais simplement 12,000 et quelques inscrits à l’ambassade et malheureusement environ 6,300 inscrits sur les listes électorales du Consulat de France à Shanghai (chiffres de mémoire, mais tout est en ligne sur le site du consulat) … à relativiser donc puisque 62% de participation revient donc malheureusement à seulement un peu plus de 3000 votants… (d’où le peu d’attente dans le bureaux de vote… )

    • Tout à fait exact Antoine, 20 000 français mais évidemment pas autant de votants. Il faut exclure ceux qui ne restent pas assez longtemps sur place, ou qui ne pensent pas à s’inscrire, tous les enfants qui accompagnent leurs parents et ne peuvent pas voter (ils sont nombreux, si si) et ceux qui ne sont de toute façon pas inscrits sur les listes électorales… Au premier tour il y a eu 3637 votes exprimés, c’était déjà pas mal. Reste à voir si les gens vont se mobiliser au moins autant pour le deuxième tour.
      Et pour info il y a parfois eu beaucoup plus de queue dans des villes avec beaucoup moins de votants (comme Tokyo par exemple), on peut donc porter la fluidité du « trafic » à la bonne organisation du consulat de Shanghai. Vive eux !

  6. Je n’avais pas eu le temps de lire à fond ton article au moment des élections, mais je vois que ce n’est guère différent de ce que j’ai pu vivre à Tokyo (sauf la queue, plus d’une heure d’attente). Et dire qu’il va falloir remettre ça pour les législatives ! Mais bon, faisons notre devoir civique !

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