Ceux qui restent nous aiment

Voilà un petit moment que je voulais évoquer ce sujet. Parce que c’est pas le tout de partir à l’autre bout de monde, de découvrir de nouveaux horizons, de faire de nouvelles expériences et de vous écrire quelques petits billets à propos de tout ça. L’un des éléments incontournables de l’expérience du départ à l’étranger c’est nous laissons nos proches derrière nous : nous partons donc nous laissons, relinquimus ergo relinquimus en somme. Pour un temps défini, à portée de quelques heures d’avion et de quelques secondes de skype certes, mais tout de même loin de nous pour plusieurs années.

Annoncer la nouvelle à ma famille, en particulier à mes parents, s’est révélé pour moi un moment délicat et émouvant. Le dire aux parents, qu’on va du coup « priver » de leurs petits-enfants pour un temps, à nos vieilles grand-mères pas en forme du tout dont on se dit l’estomac serré qu’on espère les revoir l’année prochaine, et à nos amis qui vont vraiment nous manquer, gloups gloups gloups. A l’idée de leur causer de la peine je sentais poindre des vaguelettes amères de culpabilité, et je me torturais l’esprit en me demandant comment j’allais pouvoir le leur dire sans que ça leur fasse mal (voeu de fille très légèrement névrosée mais je me soigne).

Et bien vous savez quoi ? Ils ont tous été formidables. Vraiment tous. Ils se sont montrés heureux pour nous, nous disant combien c’était une bonne nouvelle pour nous, que Shanghai était une ville formidable, qu’on allait s’y plaire, qu’ils viendraient nous voir, que c’était un super projet. Bien sûr ils étaient un peu tristounes de nous voir moins, mais c’est là qu’on voit qu’ils nous aiment vraiment. Et même les vieilles grands-mères (qui espèrent elles aussi qu’elles nous reverront l’année prochaine) nous ont chargés de leurs bons vœux et de leur joie pour nous d’avoir ce beau projet devant nous. Alors c’est vrai que l’expat’ fait un peu partie de l’ADN de mes parents qui ont connu ça une bonne dizaine d’année, mais quand même cette grosse dose d’amour familial ça fait chaud au cœur. Je pourrais me resucer ce souvenir dans mes moments de blues shangaïen.

Pour la famille, mission accomplie donc. Restait le deuxième morceau, beaucoup moins culpabilisant mais non dénué d’émotion tout de même : le dire au travail. J’ai commencé par les plus proches, les collègues-copines-à-qui-je-reconte-tout, et puis ensuite aux collègues-collègues et aux chefs. Alors pour moi qui travaille dans un hôpital public, sans aucune chance d’obtenir un jour une reconnaissance salariale de mon niveau de diplôme, d’expérience ou de responsabilité, avec un gel des salaires depuis de maintenant nombreuses années, sans aucune possibilité d’évolution, avec des méthodes de « management » de l’âge de pierre, l’annonce de ce départ a été l’occasion d’obtenir l’expression inattendue d’une véritable reconnaissance pour mon travail.

Ils ont été nombreux à venir me dire leur déception de me voir partir, et ils ont été quelques uns à me le dire de manière vraiment drôle. Il y a eu Christine, ce médecin bourru et bougon qui avait mis six mois à m’adresser la parole et s’apercevoir de mon existence et qui est venue me voir en me disant « Mais qu’est-ce que c’est que cette connerie de partir à Shanghai ? Pour une fois qu’on avait une *** normale elle part chez les chinetoques ! », ce qui constitue l’expression maximale de son sentimentalisme. Il y a eu aussi Agnieszka, une super auxiliaire de puér’ qui m’a proposé de laisser mon mari partir seul et menacée d’un suicide collectif du service si je partais quand même (ce qui a fait un flop chez ses collègues, je suis au regret de préciser). Même les incompétents et ultra-démotivants chefs de mon deuxième poste ont accusé le coup et exprimé pour la première depuis des années le fait que mon départ était une perte (venant d’eux c’était VRAIMENT dingue). Quant aux collègues-copines, ben c’est des vraies copines donc elles étaient contentes pour moi et un peu (beaucoup) dégoûtées pour elles.

Alors même si j’essaie de faire ma maline, sachez que je sais déjà que vous allez tous me manquer (oui, même les collègues bourrues, bougonnes et ronchonnes). Et si vous m’en voulez de partir, consolez vous en vous disant qu’au mois d’août je serai à mon poste, avec toutes mes collègues-copines en vacances et que j’errerai comme une âme en peine dans les bâtiments glauques et désertés de l’hôpital avec mon blues de la séparation comme seul compagnon. Un grand moment de loose en perspective…

En tout cas j’espère bien que ceux qui nous aiment (ou qui aiment juste voyager) prendront l’avion… Nous on prépare la chambre d’amis et on vous attend !

 

Crédit photo : Akeel Shabazz (CtrlMyCamera).

 

love_shanghai

4 Comments

  1. Emouvant billet ! Pour ta solitude aoûtienne… je serai absente juste un semaine (1ere semaine d’août) cet été donc je serai heureuse de te croiser dans les murs désolés de Galilée 😉
    Claire (la collègue et voisine de bureau)

    • Je ne serai pas seule à Galilée en août ! En voilà une excellente nouvelle : ne pas finir sur un long moment de solitude dans un bâtiment voué à la destruction de longue date, quelle belle sortie cela me promet ! :o)

  2. Mais non tu ne seras pas toute seule au mois d’août……et même après car mon sale caractère sera toujours avec toi et comme cela tu auras un petit bout de la France à Shanghai (ça me plait bien cette idée de « contestation » sur le territoire chinois !!!)

    • Contestation c’est beaucoup dire, oeil légèrement critique tout au plus… :o) J’ai du mal à perdre mes « bonnes » habitudes.

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