Petit Bond deviendra grand

Le croirez vous ? Le Grand Bond au Milieu est déjà dans son dixième mois. Dix mois de gestation, de travail et d’accouchements constamment à l’oeuvre, dix mois à écrire noir sur blanc mes réflexions, observations, lectures, élucubrations et nouvelles en tout genre avec comme fil (rouge, évidemment) notre installation à Shanghai. Dix mois de blog, et vous lisez aujourd’hui mon centième billet. Ça ne devrait pas m’étonner puisque c’est moi qui ai écrit tout, mais en réalité ça m’étonne…

Quand je fais le bilan il s’en est pourtant passé des choses sur le blog depuis sa création. Cent billets évidemment (ciel : cent !), représentant à ce jour la somme un peu folle de 171 pages A4 et 88537 mots. Vraiment, je peine à y croire. Le blog a aussi un nombre modeste d’abonnés, en très grande majorité autocratiquement inscrits par moi (ils n’avaient qu’à pas me connaître), et étonnamment le nombre de visiteurs est largement supérieur à celui des abonnés. Depuis sa création ce nombre a varié d’une petite centaine par jour à plus ou moins cinq cent par jour aujourd’hui. Il y a même eu un pic de fréquentation à notre arrivée en septembre avec jusqu’à mille visiteurs par jour.

N’ayant pas une famille incroyablement nombreuse ni autant d’amis (ou même de relations), je me suis tout d’abord demandé d’où venaient tous ces gens et comment ils arrivaient jusqu’à un blog aussi médiocrement référencé ? Etaient-ce des vrais gens ? Des robots ? Lisaient-ils mes billets ? L’outil de statistiques n’était-il pas totalement farfelu ? Le trafic retombant progressivement jusqu’à son niveau d’avant « Grand Bond à Shanghai », et le blog n’étant désormais plus accessible sans VPN (comprendre : étant censuré sur l’internet chinois), j’en ai conclu qu’une partie de ce trafic était probablement imputable au comité de lecture des fonctionnaires chinois chargés de la surveillance du net. Sans vraie surprise mes écrits n’ont pas passé la censure, la faute sans doute à quelques billets un peu caustiques comme ici ou encore ici, et de manière plus générale à un esprit légèrement critique dans les angles. J’espère en tout cas que mes censeurs chinois ne se seront pas trop ennuyés à la lecture de ce long pensum, et j’en profite pour les saluer amicalement et souhaiter une très longue vie à l’amitié franco-chinoise.

Pouf, pouf comme dirait l’ami Desproges, revenons au blog. Du point de vue de mon nombril, cet exercice d’écriture régulière – en moyenne un billet tous les trois jours – s’est avéré riche. Je n’aurais probablement jamais eu la même auto-discipline d’écriture sans la « pression » de la publication. Si j’avais simplement rédigé un carnet de bord ou un journal je n’aurais pas exploré autant de choses ni laissé autant de traces sur notre parcours ici. Et je suis contente de constituer ce témoignage jour après jour, pour moi, pour nous, pour les enfants qui pourront le lire plus tard si l’ampleur de la tâche ne les décourage pas. Disons le, je me suis réellement prise au jeu et j’ai plaisir à écrire et publier ici régulièrement. Cet exercice me soutient aussi dans les jours un peu moins fastes : il me permet de relativiser certaines mésaventures et de les transformer pour mieux les digérer. L’écriture comme arme anti-choc culturel en somme.

Seul petit chiffonnage intérieur à ce jour, le blog est par essence un canal qui fonctionne à sens relativement unique et j’avoue être parfois frustrée de ne pas avoir plus de retours, comme un commentaire ou même (folie !) un petit message. Dans ces moments mes (très légères) tendances paranoïaques se rappellent à moi et me soufflent sournoisement à l’oreille « si les gens ne laissent pas de commentaire c’est que ce billet est nul, totalement sans intérêt, arrête donc d’écrire des trucs comme ça ». Pour un peu je pourrais même me laisser glisser sur une pente savonneuse et me dire « en fait c’est tout le blog qui est nul, d’ailleurs personne ne le lit (à part les fonctionnaires chinois), franchement arrête d’encombrer internet avec ça ». Bref, l’angoisse de l’écrivain m’étreint parfois, et cette hideuse chose commence souvent par « mais t’es même pas écrivain d’abord, t’écris juste un blog alors tu peux pas vraiment avoir d’angoisse de l’écrivain, arrête ton char… » Je ne vous fais pas un dessin, vous voyez le topo.

Mais heureusement, heureusement demain est toujours un autre jour, la roue du moral tourne, l’optimisme reprend le dessus et je chasse ces doutes d’un revers de pensée positive (jusqu’à la prochaine fois). Car après tout c’est aussi, voire surtout, pour moi que j’écris. Si je suis lue et appréciée tant mieux, vraiment tant mieux. Et sinon tant pis, je finirai écrivain incomprise et ignorée et je nourrirai mes chats avec MMM dans une vieille maison dans l’Aubrac, celle qu’on achètera quand on sera vieux et qu’on aura décidé d’être respectivement photographe et écrivain à plein temps en vivant chichement d’art, d’amour et d’aligot dans une campagne sauvage.

Ce jour là Le Grand Bond au Milieu sera un lointain souvenir, celui de mon premier exercice d’écriture quasi quotidienne. Un très bon souvenir.

 

crédit photo : chine-informations.com

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18 Comments

  1. Bon ben je vais inaugurer la page des commentaire sur ce billet pour dire que en tant que MMM je trouve ce blog très sympa et il relate très bien notre vie de tous les jours ici avec ses joies, ses angoisses, ses moments de doutes et la chance que nous avons de vivre cela…
    Pour tout ca (et le reste), je t’AIME…

    Bon a part ça je dois dire que nous n’avions pas encore parle de retraite dans l’Aubrac et qu’il me semble un peu osé de vouloir avoir des chats alors que tu y es allergique… Je suppose qu’il faut que l’on ai une conversation sérieuse a ce sujet… 😉

    Longue vie au Grand Bond au Milieu!!!
    MMM

    PS: Desolé aux lecteurs pour le manque d’accents, n’ayant ici qu’un clavier QWERTY et ayant la flemme de chercher a rajouter les accents manuellement….

  2. Ah ben y a moi aussi !
    Et pis y a Fred, Caro, ma mother, et sûrement tous les autres à qui j’ai envoyer le lien de ton blog
    Et j’ai pas de fonctionnaires chinois dans mes proches. Hihihi

    Mais tu as raison de râler : on déguste avec délectation chacun de tes billets jusqu’à la dernière miette, avant même des faire les choses super urgentes de la journée, comme si on n’avait pas mangé depuis 3 jours (d’ailleurs, tu le dis toi-même : tu écris un billet tous les 3 jours. Mdr).
    Et on ne te dit même pas merci sous forme d’un petit message parce qu’on est des gros(ses) paresseux/ses.
    J’espère que tu continueras longtemps ! On devient vite accro …

    Bisou bisou
    Marie 🙂

    • Aaaaaaaaah c’est donc ça : vous êtes d’affreux ingrats !! La prochaine fois qu’on se voit on s’organisera une petite séance de fouettage de rattrapage, je suis sûre que c’est bon pour l’inspiration ça 😉

  3. c’est toujours avec plaisir et intérêts que je lis tes écrits je revrais te remercier plus souvent et surtout continue
    Roger et moi allons rejoindre Louvres à la fin de la semaine juste avant le départ de ta mère.
    je découvre tous les jours cette région de Bretagne que je ne connaissais pas et c’est très beau. en ce moment c’est vent et pluie , mais cela ne m’empêche pas de se ballader sur la côte ou dans les rues de Quimper.
    bonnes fêtes de noël , je vous embrasse

    • Merci pour le petit mot et bonnes fêtes à vous tous là où il neige, où il y a des sapins de Noël, et du foie gras, et des marrons, et des chapons, et des (chapeaux) ronds et rond petit patapon.
      Bises !

  4. Je suis complètement accro à ce blog ! J’y trouve des nouvelles fraîches de cette « bande des 4 » qui m’est si chère, indispensable.
    J’y suis les découvertes et les pérégrinations de Français dans une culture inconnue et si différente. C’est toujours passionnant et ça me rappelle mes propres désirs de découvertes et mon expérience d’expatriée.
    Comme ton amie Marie, je lis tout et plusieurs fois pour ne rien manquer. Je me retiens d’écrire quelquefois car je ne souhaite pas toujours que mes sentiments ou réflexions soient publiques ; je préfère le mail qui est plus discret.
    De plus étant ta mère, je suis suspectée forcément de non-objectivité, le croiriez vous ?????
    Ce blog est drôle, documenté, très bien écrit, car tu as un véritable talent (voir la phrase précédente ) !
    Ce lien est indispensable pour ceux restés au pays. C’est un outil magique qui raccourcit les distances et réchauffe les cœurs aimants.
    Continue, petit scarabée, continue !

    • Bon, alors si MMM, ma mère, mon père, ma tante, une meilleure amie, son petit copain, sa belle-soeur, sa mère et les fonctionnaires chinois lisent mon blog ça commence à valoir le coup, je vais peut-être continuer encore un peu…
      Petit Scarabée.

  5. Bon, allez, moi aussi j’y vais de ma plume !
    Il est 11h du matin, j’ai lu (voir éliminé sans les lire) rapidement quelques messages de « trucs » (toujours les mêmes) qui circulent sur le net. Je me réservais le meilleur pour la fin … voilà c’est dit, mis à part le long et -pour moi- un peu fastidieux, bien que très bien décrit- récit de ton bouquin, j’aime beaucoup tout ce que tu racontes et décris (assorti de photos, très réussies d’ailleurs, s’il-vous-plait!), c’est un peu comme si j’y étais, la pollution en moins (sic). Je me suis même dit (avec regret) que pendant les visites, le rythme de tes écrits allait sûrement diminuer, c’est tant pis pour nous, voilà !
    Là j’apprécie particulièrement la fin du message dans laquelle tu envisages, n’en chagrine un peu ton MMM, une vie éventuelle dans l’Aubrac… que j’adore et où je risque de randonner un de ces 4. Je trouve cette région particulièrement belle et sauvage, peut-être un peu trop pour y passer toute l’année, aux dires de gens d’ici qui y ont séjourné ou y possèdent une maison de famille… mais qui préfèrent cependant la douceur de climat du Lot pour le restant de l’année.
    J’aurais une pensée pour vous pendant les fêtes. Bien que privés de luxueuses vitrines animées et de marchés surabondants, nous dégusterons à minima le foie gras fait maison. La décence m’oblige à ne citer que ce mets (sans préciser non plus la quantité) de crainte de te déclencher une crise de foie à distance !!!
    Bises à tous et très bonnes fêtes tout de même…. et à très bientôt de te lire.

    • Du foie gras en randonnant dans l’Aubrac, en voilà une chouette idée de réveillon de Noël ! J’en parle à MMM pour l’année prochaine, je suis sûre qu’il va adorer 😉
      Bises, passez d’excellentes fêtes et tâchez de ne pas trop mettre votre foie à mal, il pourra vous servir pour l’année prochaine…

  6. Et il y a moi ! du fin fond du Brésil, je me délecte de vos récits qui font complètement écho à notre expérience en 2000 quand nous sommes arrivés à Macau…. A l’époque, il n’y avait pas les blogs et aujourd’hui, je le regrette, j’en suis resté à mon petit carnet de notes. Depuis 8 mois, c’est une nouvelle expatriation (la 4ème sur 3 continents) et mon blog est privé pour famille et amis. Je suis passée par l’apprentissage du cantonais, dur mais au bout de 14 ans, je n’ai rien oublié !! Et on a beaucoup pleuré le jour où on a quitté le pays 3 ans et demi plus tard….
    Merci pour vos récits, vous avez un réel talent ! Joyeux Noël à toute la famille et profitez-bien de vos visiteurs, c’est tellement bon !!! MClaire

    • Merci chère inconnue du Brésil,
      Me savoir lue d’aussi loin est une jolie surprise, et de savoir que la Chine peut rester dans la peau aussi longtemps aussi 🙂 Bon Noël brésilien !

  7. La béétude muette (Mais, me semble-il, relativement rare) des lecteurs commentateurs peut aussi s’interpréter comme:
    – l’expression d’un état de stupeur béate face au talent de l’écrivain..(Non, la c’est trop…!)
    – la modestie du scripteur impressionné et qui n’ose…(Non, c’est encore trop…!)
    – Ou la silencieuse approbation de la pertinence et de la qualité du propos…(C’est mieux…?)
    – Ou l’état de plénitude un peu égoïste du proche comblé dans son attente de nouvelles fraiche et en oublie, l’ingrat, d’y faire un petit retour
    – Le traditionnel mauvais alibi/manque de temps

    Ou un mix des ci dessus possibilités, ou d’autres encore

    Le mot de la fin du vieux sage de la caverne…CONTINUE!

  8. Bonsoir,… il y a moi aussi… de France…
    Je n’ai jamais laissé de trace de mon passage, pas de petit commentaire… juste en fait parce que j’ai l’impression d’être une petite souris curieuse dans votre vie… C’est un peu gênant en fait…
    Mon mari a peut-être un projet professionnel sur Shanghai. C’est tentant… mais ça m’effraie beaucoup aussi… ça reste à l’état du projet mais j’ai besoin de concrétiser les choses avant de pouvoir donner une réponse à ce départ potentiel… Alors voilà un chouette blog où trouver de quoi concrétiser tout ça ! Merci pour votre partage, votre humour… Merci d’être là pour faire mûrir notre projet ! Continuez !!

    • Bonjour Valérie,
      et ne vous sentez pas gênée : si ce blog est public c’est bien pour être lu, si certaines choses sont anonymes ou légèrement modifiées c’est pour préserver notre vie privée, et de manière générale je n’écris rien qui soit trop intime ici…
      Ravie en tout cas que cela vous permette de vous faire une idée de Shanghai et de mûrir votre projet, d’ailleurs si vous avez des questions auxquelles nos petites aventures n’ont pas encore répondues n’hésitez pas à m’envoyer un mail, je vous répondrai avec plaisir.
      Peut-être à bientôt à Shanghai alors ? 😉

  9. Bonjour,
    Eh bien vous avez une autre adepte inconnue de France.
    Pour les mêmes raisons que Valerie M ci dessus, j’y suis venue pour m’aider à concrétiser ce que peut être la vie d’une famille française expatriée, avec jeunes enfants à Shanghai. Puis j’y suis revenue car j’apprécie beaucoup votre manière de conter vos expériences et impressions : avec pudeur, humour, réalisme et optimisme.
    Pour moi, la prise de décision est vraiment difficile. Cependant lire votre blog me fait du bien. Je me retrouve dans votre expérience, dans votre façon de conter, et cela rend cette éventuelle expérience un peu moins suréaliste. Je serai absolument ravie de vous rencontrer si l’on vient à Shanghai.

    • Et bien bienvenue à bord Moustik, et peut-être à bientôt à Shanghai. Vous verrez, le saut dans le grand bain fait un peu peur mais une fois qu’on y est on se rend compte qu’on savait déjà nager 🙂

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