Apprendre le chinois avec Terminator

Depuis peu j’ai un nouveau prof de chinois. J’ai donc dit au revoir à la gentille Emma qui avait soutenu avec constance et enthousiasme mes premiers efforts et à la place on m’a donné : Borg.

Et Borg c’est son vrai nom, enfin le vrai nom « anglais » qu’il s’est choisi (vous vous rappelez que les chinois adorent se choisir des prénoms anglais ?). Comme je suis curieuse, je lui ai demandé s’il avait choisi ce nom à cause du tennisman et il m’a répondu « non, non, mon nom chinois est Bo, alors j’ai choisi un nom anglais qui s’en rapprochait ». Je n’ai pas osé lui dire qu’en dehors de lui personne ne pense que Borg puisse être un nom anglais, je suis une fille courtoise. Ni que je trouvais un peu vexant qu’il n’ai jamais entendu parlé de Björn Borg contrairement à moi, comme si je venais de débarquer tout droit du Pléistocène. Ce n’est pas parce qu’il a vingt-cinq ans qu’il est obligé d’être désagréable, je pourrais presque être sa mère.

Donc nouveau prof, nouvelle méthode, et avec Borg je peux vous dire que c’est fini la rigolade. Oui, « fini », car je viens de prendre conscience qu’AVANT en fait je rigolais en cours de chinois et que c’était (presque) agréable. Voilà ma nouvelle ambiance de travail : pour commencer Borg énonce tous les mots de vocabulaire de la leçon du jour. Une seule fois, et après il me demande si j’ai des questions. Je n’en ai aucune à part « mais comment on fait pour apprendre cette ribambelle de mots en trente secondes ? » Ensuite il dit « bon, donc on a appris tous les mots, maintenant on va faire un dialogue ». Alors je prends mon courage à pleines mains et je m’escrime sur la lecture d’un dialogue dont je ne comprends qu’un mot sur deux (c’est à dire les mots de base comme « je », « tu », « être », etc…) puisque j’ai été incapable de mémoriser tous les autres. Quand je n’ai pas de chance, il me dit « bon maintenant on va varier un peu, on va changer des choses dans le dialogue » et il faut que j’improvise (avec les mots que je n’ai donc toujours pas réussi à mémoriser). Puis on fait des « révisions » : il parle très bas et très vite avec de longues phrases auxquelles je ne comprends goutte. Je suis donc obligée de le faire répéter, là il écrit la phrase au tableau et il me la traduit mot à mot, se tournant vers moi à chaque mot pour voir si j’ai bien reconnu un mot du genre « je » ou « tu ». Bon, je ne suis pas débile, c’est plutôt les mots de la fin que je n’ai pas compris, du type ceux qu’il a dit à toute vitesse, qu’on n’a vu qu’une seule fois en début de leçon et qu’il continue à faire semblant de croire acquis malgré ma mine de noyée. En général c’est là qu’il choisit de m’asséner le coup de grâce quand je lui dis que je ne comprends pas tel ou tel mot : « ah bon ? Mais ce mot vous l’avez déjà vu à la leçon 4 ». Et si par un réflexe physiologique incontrôlable je fais mine de bouger encore un peu sur ma chaise, il sort enfin son arme fatale : bon, on va réviser les caractères, alors dites moi tout ceux qui contiennent l’idéogramme « kou ». Si j’arrive à lui en énoncer quatre, ce que je trouve déjà pas mal pour une noyée, il me regarde d’un air navré et me dit « bon, allez-y, donnez moi les autres, allez, un petit effort ». Et là c’est bon, mon logiciel interne affiche enfin « game over ».

En sortant de mon cours de lundi – le premier depuis trois semaines et demi – je me suis demandée si je n’aurais pas préféré rencontrer le vrai Terminator… Et soudain la vérité m’est apparue : Borg n’a effectivement aucun lien avec le tennisman vedette de mon enfance. Encore que pour ce qui est de balancer des grosses patates en fond de court sans transpirer une goutte pendant que mon cerveau à moi court dans tous les sens comme un poulet affolé il s’y entend. Donc non, Borg n’est pas le petit frère sino-nordique de Mac Enroe. « Borg » en réalité est l’abréviation de cyborg, et je commence à croire qu’il est là parce quelqu’un l’a envoyé en mission depuis le futur pour me faire du mal. J’ai bien essayé de lui dire que je ne m’appelais pas Connors, ni Connor, ni Sarah, rien n’y fait. Il me répète imperturbablement « mais ce mot on l’a déjà vu à la leçon 4 » et mon cerveau d’occidentale traduit ça immédiatement par « espèce de stupide laowai paresseuse, comment oses-tu paraître devant moi alors que tu n’as pas acquis le vocabulaire de la leçon 4 ? Hin hin hin » (parce qu’en plus, il rit beaucoup). Ces remarques pourraient me tétaniser, ou me galvaniser dans un sursaut d’ego mal placé, mais en réalité le seul effet que ça a sur moi c’est de me foutre en boule et me donner une furieuse envie de lui balancer un grand coup de raquette dans les dents. Fais gaffe Borg, j’ai les mêmes deltoïdes que Sarah Connor à force de porter les 16 kg de Beauté Blonde ! Et même que Beauté Brune fait du Kung Fu, fais gaffe j’te dis !

Bon, je dois vous laisser : il faut que je révise les répliques en chinois de Kill Bill pour mon cours de tout à l’heure. Mais ne vous inquiétez pas, I will be back

 

GrandBondMilieu_Terminator

 

8 Comments

  1. les répliques de Kill bill en chinois, alors là Tara, je suis très très intéressée et je veux une démonstration en live 😉 bisous

    • Ah ben c’est du boulot tout ça, j’essaie d’être au point pour quand vous viendrez d’ici quelques semaines 🙂

  2. Tu veux vraiment garder ce prof ??? Accepte-t-il que tu lui répondes ou que simplement tu lui parles ? …
    Est-ce aussi le prof de MMM ? Courage à vous ….

    Autre chose qui n’a rien à voir : le dernier Fred Varga sort en ce moment : « Temps glaciaires ».
    Quelqu’un pourrait le le porter à domicile bientôt à moins que tu ne résistes pas à l’attente et que tu te jettes sur Amazon.

    • Bon, il semblerait que c’était une petite période de rodage. Après une petite mise au point de MMM, nos derniers cours ce sont mieux passés, il semble avoir pris conscience du fait qu’on n’arrivait pas à suivre le rythme infernal qu’il nous imposait. On est repartis sur de nouvelles bases avec lui 😉

  3. j’ai encore les yeux tout mouillés de pleurs de rire. Bon, je vous propose une parade : Dîtes-lui poliment qu’émerveillé par son niveau de français, vous voulez voir jusqu’où il peut aller dans la compréhension de certains jeux verbaux et que pour un début vous allez choisir un test fa-ci-le (genre que l’on fait en niveau 1 aux étudiants de français langue étrangère), ensuite vous le toiser au fond des yeux et vous dîtes à tout vitesse : « mais oui madame, il a tant plus, qu’on n’sait plus l’jour qu’il a l’plus plu ! mais moi je sais bien au surplus qu’il m’eût plus plu qu’il eût moins plu « .
    Après je vous laisse improviser la suite avec la maestria qui vous caractérise !

    • Bon, le Borg-Terminator c’est un peu radouci aujourd’hui. Donc j’ai rangé mes deltoïdes et ma raquette mais je garde votre botte secrète dans ma manche pour un jour où il reviendra me titiller 🙂
      A bientôt !

  4. Ah, tu m’as bien fait rire avec ton « game over » !
    Cela me rappelle mes essais d’apprentissage du tibétain, il y a fort longtemps, dans une autre vie …
    Cela se passait en 1989, dans un Monastère du sud de l’Inde, avec un groupe de français : un moine nous donnait des cours. Avec écriture au tableau. Quand il a vu qu’un de nous avait dessiné un caractère tibétain ressemblant à une marmite bancale, il s’est carrément plié de rire, ainsi que d’autres moines massés en grappe à la fenêtre. Un grand moment !!! 🙂

    • L’apprentissage d’une langue très éloignée est vraiment ingrate, mais avec la bonne humeur des moines et en groupe ça devait être un peu moins terrifiant 😉

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