Voilà bien une demi-éternité que je n’ai pas entretenu vos (et mes) compétences en mandarin. La faute à ma procrastination de fin d’année scolaire ainsi qu’à un léger accès de désespoir face à mes faibles progrès linguistiques. Pour tout dire, lors de mon dernier cours de l’année j’ai fondu en larme face à ma prof médusée parce que je n’arrivais pas à comprendre la moitié de ce qu’elle me disait (et parce que je me rendais bien compte que ce n’était dû qu’à mon manque de travail). Oui, je suis une fille sensible, et qui supporte mal de ne pas être la première de la classe. Surtout quand elle est la seule élève de la classe. Bref, je suis partie en vacances désespérée par mon mandarin mais bonne nouvelle : contrairement à l’année dernière où j’avais oublié les trois-quart de mes faibles acquis en 5 semaines en France, cette fois ça tient. Ahhhhh, deux ans d’efforts ininterrompus pour au moins pouvoir compter fermement sur mon petit-nègre mandarin, je commence à me rasséréner. Forte de ces acquis, je continue donc à vous initier au chinois avec deux nouveaux mots aujourd’hui.
Puisque c’est la reprise, aujourd’hui on va faire facile avec le D et le E : nous apprendrons donc les mots dà (grand) et è (prononcez « eu » : faim). Vous voyez que je fais dans le simple pour cette remise en jambe de rentrée.
Dà : grand. Voilà un mot facile, qui se prononce comme il se lit et que vous allez pouvoir mettre (ou entendre) à toutes les sauces en Chine : que ce soit pour recevoir un compliment sur votre haute taille ou celle de vos enfants, pour commander la taille de votre plat ou de votre café latte au Starbucks du coin, ou pour trouver le chemin de l’université (dà xue) vous entendrez le dà presque à tous les coins de phrases. Il ne vous aura pas échappé que ce vocable se rapproche du russe da (oui), lequel se rapproche lui-même du patois du bocage normand où le oui-da (variante du dame oui) s’entend encore aisément. Bref, le français et le mandarin n’ont jamais été aussi proches, tout ça grâce à l’internationale linguistique. Esperantistes de tous les pays unissez-vous.
Quant à la manière dont ça s’écrit, avec ce graphisme simple on ne peut plus douter une seconde de l’universalité du génie humain. Trois traits figurant de manière stylisée un homme debout étendant les bras : voilà le caractère dà. De là à voir dans cet idéogramme millénaire la source directe d’inspiration de Léonard de Vinci pour son homme de Vitruve, il me semble que le doute n’est presque plus permis. Léonardo, discret prédécesseur de Marco Polo en Chine et simple copieur de la millénaire civilisation chinoise ? Nouvelle preuve de l’influence mondiale des illuminati ? La science doute encore, mais peut-être Dan Brown saura-t-il nous éclairer dans son prochain opus. Je vous tiens au courant… En tout cas, vous ne pourrez pas dire que vous n’être pas capable de lire et d’écrire le chinois, celui-là est à la portée de tous !
E : (avoir) faim / affamer / être affamé. Voilà un mot essentiel s’il en est pour vous permettre d’exprimer rapidement votre besoin de vous sustenter. Wo hen è : je suis affamé. N’en dites pas plus, aucun chinois digne de ce nom ne vous laissera succomber à la faim dans un pays marqué depuis des millénaires par les disettes et les famines. D’où d’ailleurs la profusion, pour ne pas dire la débauche, de nourriture que vous trouverez sur toutes les tables chinoises, dans les restaurants ou ailleurs. Vous avez l’impression que les chinois commandent beaucoup et mangent beaucoup ? Ce n’est pas qu’une impression. Manger est plus qu’une nécessité physiologique sous nos latitudes, vu de l’extérieur on pourrait penser qu’il s’agirait presque d’une activité divine. Qui plus est le vocable est pratique : si jamais vous oubliez comment ça se dit, prenez l’air inspiré et dites simplement « euuuuuuuuh » et vous y êtes. Formidable non ?
Pour ce qui est du tracé du caractère, le moins que l’on puisse dire c’est qu’on y sent toute la centralité de la question de la nourriture dans la culture chinoise. Il est en effet composé de deux parties : la partie gauche (une virgule et deux crochets) constitue le radical se rapportant à tout ce qui est nourriture (notez la logique imparable de la langue chinoise, surtout rapportée à l’arbitraire phonétique de notre alphabet), la partie droite n’étant autre que le caractère wo (je). nourriture + je = avoir faim, cette logique me parle totalement, contrairement à l’orthographe du mot faim… Une fois dépassé le léger effort de mémorisation que suppose certains caractères (je veux bien concéder que pour mémoriser le tracé de wo il faut donner un peu de soi), les combinaisons de caractères entre eux sont finalement très faciles. Voilà encore une fois l’occasion de tordre le cou aux idées reçues sur les idéogrammes : ne dites plus « oh la la, c’est du chinois, j’y arriverai jamais » mais « bon sang mais c’est bien sûr, c’est du mandarin ! »
Allez, je vais tenter de me remettre de cet intense effort pédagogique – et vous laisser le temps d’assimiler ces nouveaux mots – pour vous concocter mon prochain opus sino-alphabétique avec les lettres F et G…
Je parie sur Fa et Guo pour les prochains cours 😉
Je n’y ai même pas encore réfléchi mais maintenant que tu le dis, ça me parait totalement évident. A moins que je ne préfère vous réserver une surprise sortie de mon chapeau… 🙂
Interessant votre abecedaire et sa reinterpretation! J’ai beaucoup aime le coup de l’home de Vitruve! Du coup j’ai relu les precedents et je me suis bien amusee 🙂 Je trouve que vous avez acquis pas mal de chinois, quand meme, en peu de temps! Vous prenez encore des cours cette annee?
Et oui, mon masochisme ne connait pas de borne : je rempile cette année !
Quand je lis ce texte je repense à l’expérience de Elias : le choix chez nous se pose entre Allemand (dès la 6eme) Espagnol ou Mandarin (dès la 5eme) en plus de l’Anglais. Elias avait évacué le mandarin contre l’espagnol après un premier cours d’initiation en 6eme même si les petits gateaux amenés par Me Li étaient fameux (pas facile d’acheter nos pre ados surtout quand il s’agit de fournir un travail ardu pour un resultat non visible avant des annéees !). Eh bien ses copains qui se sont fait prendre par la scéance d’initiation en sont eux à leur 3eme année et sont à peu près au même stade que toi…je trouve donc que tu te débrouilles bien !
Ah oui, je comprends que du point de vue de l’ado (sauf passionné) le choix du mandarin puisse sembler (très) ingrat… J’avoue que je ne suis pas sûre que je persévérerais à ce point si on n’habitait pas ici 😉 Et pourtant, quelle langue intéressante malgré les difficultés…
Coucou 🙂
Courage, ça va venir, dis toi que même moi après 3 ans d’apprentissage, il m’arrive de ne rien comprendre à une tirade en mandarin. Si tu peux t’exprimer simplement et comprendre quelques phrases quotidiennes, déjà c’est super ! Et puis vu que tu vis là bas, je n’ai pas de doute qu’au bout du compte tu maîtriseras bien la langue 😀
Pour maîtriser la langue il faut plus que vivre ici, il faut vraiment bosser son chinois. No pain no gain, surtout en mandarin ! Mais merci pour ton optimisme, c’est toujours bon à prendre 😉
Oui, apprendre un chinois c’est l’investissement d’une vie des fois j’ai l’impression *.*
Comme on dit là bas : 加油 !!! ^^