Elle est née la divine enfant

La grossesse c’est long. Surtout les neuf derniers mois d’ailleurs. Mais même quand les enfants refusent de sortir à la date prévue et s’incrustent pour un petit rab’ bien au chaud (deux sur trois en ce qui me concerne), ils finissent un jour (ou plutôt une nuit, trois sur trois en ce qui me concerne) par pointer le bout de leur nez. Et donc ça y est, après s’être bien fait désiré elle a fini par naître notre merveille 100% made in China. Autant vous le dire avec toute l’objectivité dont je suis capable : dès la première seconde elle nous a subjugués par sa beauté supranormale. Et ce n’est pas rien quand on connait la plastique de nos deux grands. Elle – car oui, c’est une elle – est aussi belle que ses frères, d’ailleurs elle leur ressemble de manière frappante, mais en plus délicat, en plus mince (un peu), et aussi en tout à fait elle-même.

Pour le prénom on a beaucoup hésité avec MonMeilleurMari, d’ailleurs nous n’étions pas d’accord. Je l’aurais bien appelée Dernière Beauté (ou Der des Der mais c’est moins chic), ou Beauté Rousse si elle l’avait été (notez que que pour l’instant c’est pas clair : elle a un petit duvet chatain-blond-roux des plus indistincts côté coloris) mais bon, un prénom c’est pour toute la vie, faut faire gaffe. Alors puisqu’il fallait quelque chose de ravissant comme elle, et qu’elle est la seule vraie petite shanghaienne de la famille je tranche et voilà donc que Beauté Mandarine fait son entrée dans le grand monde et dans nos vies.

Côté organisation familiale c’est un peu le bazar mais pas tant que ça : je crois qu’au troisième on est rodés, on assure comme des bêtes. Bon, les enfants sont moins préparés que nous du coup ça secoue quand même un peu dans les virages (surtout pour Beauté Blonde qui vient de perdre sa place de bébé de la famille, et il l’aimait vraiment bien celle-là…). Ça promet deux trois réajustements, mais qui ne veut pas de réajustement ne fait pas d’enfants (ou alors il est très déçu).

L’essentiel c’est qu’elle et moi allons fort bien. D’ailleurs j’ai quitté la maternité au bout de deux jours, fraîche comme un gardon. Je crois que plus j’accouche plus j’assure. Mais je vais quand même m’arrêter là, aux autres de se perfectionner maintenant. J’aurais bien continué à profiter de l’hôtellerie cinq étoiles de ma maternité de dingue, mais puisque Beauté Blonde semblait avoir quelques difficultés à se poser (vous voyez Beep Beep et Vil Coyote ? Ben Beep Beep…), j’ai écourté mon séjour pour qu’il se tranquillise un peu. Et quand je revois ma chambre de palace (et mes plateaux repas Lucullus de chez Lucullus), c’est un truc que je lui renverrai dans les dents quand il me glapira à l’adolescence que je suis une mère nulle. Mère nulle OK, mais qui a sacrifié son troisième jour de repos en maternité-palace pour ses beaux yeux, qu’il commence par en faire autant et on en reparlera.

Pour ce qui est de l’accouchement lui-même, ben c’est un peu comme d’habitude : une vraie bouch… un vrai bonheuuuuur, comme dirais Florence F. Ça a commencé dans le taxi, je commençais à avoir des contractions un peu fortes (du genre qui m’ont faire dire : prends la valise, là dans une heure on va être dans le dur). Nous nous dirigions vers le tunnel qui traverse le fleuve quand d’un seul coup plus rien. J’ai dit (bêtement) : oh ben tiens, si ça se trouve on va arriver à la maternité et j’aurai plus de contractions, ils vont me renvoyer à la maison, hin hin hin. Trois minutes après on rentrait dans le tunnel, nouvelle contraction, et celle-là je l’ai gardée en continu jusqu’à ce que j’arrive à la maternité à peu près 35 ou 40 mn après. J’exagère un peu : j’ai eu deux fois une minute de pause avant qu’elle reprenne, du coup je ne sais pas si techniquement on dit que j’ai eu trois longues contraction ou une seule très très très longue contraction. En fait on s’en fout, toujours est-il qu’arrivés à la maternité j’étais littéralement en nage et qu’il a fallu mettre la clim’ à 13° en salle de naissance pour que je commence à avoir l’impression qu’il ne faisait plus 50°. Moi j’étais bien (enfin façon de parler vu que j’avais toujours mes contractions de durée absolument pas syndicale), MMM claquait des dents mais il avait qu’à mettre un pull. Ou accoucher à ma place.

Bon, je vous passe les détails, le chrono, les « ne lutte pas contre la contraction, respire, accompagne là, respire, c’est bien ce que tu fais » tout ça. Je gère mes contractions diaboliques pendant un certain temps et puis je demande à ce qu’on me pose la péri parce que vraiment je n’y arrive plus. Dès que c’est fait je retrouve mes facultés corticales et la sage-femme me confirme que j’ai des contractions anormalement longues (genre vraiment très très longues), et que même que ça rentre dans la catégorie « dystocie utérine », j’apprends de nouveaux mots youpi (mais pas de nouvelles façons d’accoucher, j’avais déjà eu ça pour les deux premiers). En gros ça contracte trop, trop longtemps, et ça ne permet pas une dilatation normale parce que justement ça ne relâche pas entre deux. C’est la double peine obstétricale : on en bave deux fois plus, et c’est beaucoup moins (voire pas du tout) efficace. Je redeviens guillerette et primesautière dès que je n’ai plus mal, comme quoi l’humour est une petite chose fragile.

Je dors un peu, et puis dans le courant de la matinée la sage-femme me dit que je peux commencer à pousser. C’est là que la dose de péridurale arrive au bout. Et que l’anesthésiste de garde décide d’entamer un discours fort à propos sur le thème « le bébé est bientôt là, c’est pas la peine que je vous remette une dose, ça va être rapide, soyez un homme un peu madame ». Elle était pas là à mes premiers accouchements, moi oui, je sais que « ça va aller vite » est juste une grosse blague. Ce qui m’a appris une étonnante chose sur moi-même : je suis parfaitement capable d’insulter quelqu’un en anglais quand je suis en train d’accoucher. Je peux donc mettre bilingue sur mon CV sans sourciller, ça a été éprouvé sur le terrain. Notez que même dans ces circonstances je suis restée (presque) mesurée puisque je me suis contenté de beugler « shut up ! » et « I f*cking don’t care ! » quand j’avais en réalité envie de lui dire « shut up you f*cking b*tch ! I f*cking don’t care what you say, just give me the dope NOW ! ». Bilingue je vous dis.

Bon, finalement ils ont fait venir la chef des anesthésistes, qui m’a remis une dose, et j’ai retrouvé ma courtoisie ordinaire. J’ai continué à pousser et quelques minutes plus tard (je ne peux pas vous dire combien, je perds toute notion de l’heure dans ces moments là) on m’a posé ma divine Beauté Mandarine sur le ventre… Et comme d’habitude j’ai pleuré, je pleure toujours après l’expulsion : de soulagement, de fatigue, de joie, de tout. Et la conclusion de tout ça, c’est que c’était un accouchement certes un peu compliqué mais de très loin le plus facile des trois, celui dont je garderai peut-être le plus joli souvenir. Avec au bout les yeux de ma petite Mandarine plongés dans les miens.

Le mot de la fin revient à ma gynéco : le lendemain elle m’a dit qu’elle avait trouvé que c’était un accouchement « très élégant ». Yes. F*cking elegant même.

 

44 Comments

  1. Félicitations pour cette petite mandarine! Quel bel article, on voit que tu l’as « pondu » après coup pour garder tant d’humour sur la douleur ;o) J’avoue c’est con mais ça m’impressionne toujours les femmes qui comme toi accouchent à l’étranger, même si on est bien installé, souvent c’est à ces moments les plus triviaux que réagir en langue étrangère (et avec un vocabulaire sans doute un peu technique!) doit être chaud! Enfin bon, tu me diras, sur le moment ce n’est sûrement pas ce à quoi tu pensais ;o)

    • J’avais neuf mois pour me préparer au fait que je ne serai pas dans un environnement « habituel », et j’avais la chance d’avoir une sage-femme française avec moi (le top du luxe par ici !), donc pas besoin de me prendre la tête sur le technique : au besoin c’est elle qui faisait l’interface avec le médecin. Il me restait juste à jurer comme un charretier et ça j’ai su faire comme une grande 🙂

  2. J’adore! T’es sûre que tu veux pas refaire des bébés juste pour le plaisir qu’on lise tes récits d’accouchements?

    Bienvenue à la nouvelle beauté!
    Elle a l’air effectivement magnifique.

    • Merci pour les compliments sur mon récit, mais je propose si vraiment ce genre de billet s’avère être un succès de plutôt inventer le prochain récit d’accouchement au lieu de refaire un bébé. Ca me semble être une solution un peu plus économique – à tous points de vue – pour moi 😉

  3. J´ai bien rigolé et tu m´as presque donné envie de revivre ce moment encore une fois. Félicitations pour ta petite merveille. Je vous souhaite plein de bonheur et de belles aventures et de belles histoires pour nous 😉

  4. Oups, pas eu l’occasion de passer te féliciter (la maman spécialement mais aussi toute la famille!) pour Beauté Mandarine (petite bouche craquante!)
    Tous mes meilleurs vœux pour le reste de votre séjour en Chine et pour la suite!
    Sonia

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