Apprendre le chinois à Shanghai n’est pas une absolue nécessité. Pour tout dire, certains expats ne s’y essayent même pas, d’autres renoncent vite ou au contraire deviennent totalement bilingues après de louables efforts. Et tout le monde réussit visiblement à bien vivre ici, avec ou sans mandarin.
Pour MMM et moi, apprendre le chinois semblait une évidence plus encore qu’une nécessité. Nous installer ici pour trois ans et ne pas nous intéresser à la culture de notre pays d’accueil, ne pas faire l’effort d’essayer de communiquer en mandarin nous aurait semblé grossier, discourtois. Nous avons commencé nos cours environ un mois après notre arrivée, ce qui nous permet donc d’afficher aujourd’hui deux mois pleins de cours de chinois (en tout cas pour moi qui ne vadrouille pas en avion pour le travail). Nous avons commencé tous les deux avec une motivation maximale, et une forme de compétition taquine entre nous. C’était à qui réussissait à prononcer mieux tel ou tel son ou à retenir quelques mots de plus que l’autre. Nous étions « à fond ».
Dans cette première phase, pour moi l’enthousiasme dépassait les difficultés. Chaque acquisition, chaque progrès m’emplissait d’orgueil, et tout en me défendant des compliments de mon professeur dans un petit coin de ma tête j’étais trop fière de réussir à apprendre (un peu) le chinois et je me voyais déjà bilingue dans trois ans. Deux mois après, le mandarin m’a donné une petite leçon d’humilité et de doute : j’expérimente ces jours-ci une forme de découragement, teinté d’une pointe de démotivation. J’attends aujourd’hui la pause des vacances de Noël avec impatience, en espérant que ça me permettra de trouver un second souffle. Et je m’auto-flagelle intérieurement en ayant l’impression d’avoir à peine avancé depuis mon premier essai de leçons de chinois…
Objectivement, les écueils que le mandarin réserve aux petites françaises comme moi obligent à une gymnastique intellectuelle qui n’est pas de tout repos :
Lire le chinois
Cela ne vous aura pas échappé, le chinois s’écrit en caractères ou idéogrammes, ce qui fait de nous automatiquement non seulement des illettrés mais même des « acaractèrètes » (analphabète n’est pas approprié, n’est-ce pas ?). Pour quelqu’un comme moi qui est non seulement habituellement lettrée (en français) mais qui aime lire et écrire, se retrouver d’un coup partiellement illettrée (en chinois) n’est pas qu’un doux sentiment dépaysant. Au quotidien, ça complique souvent la vie. Et ça complique aussi considérablement l’apprentissage du chinois (car oui, nos modes d’apprentissage sont essentiellement basés sur l’écrit) malgré l’existence du pin yin.
Qu’est-ce donc que le pin yin ? Un système de translittération, c’est à dire de transcription « phonétique » du chinois dans l’alphabet occidental, établi en 1948 et adopté en 1979 par le gouvernement chinois dans un mouvement global de simplification de la langue (dont sortira également les caractères chinois « simplifiés » employés en République Populaire). Le pin yin n’est pas qu’un système destiné aux occidentaux qui voudraient prononcer le chinois, il est surtout employé dans les premières années d’apprentissage de l’écrit par tous les petits chinois avant d’être progressivement remplacé par les idéogrammes. Jusqu’à l’apparition du pin yin il existait des systèmes de translittérations du chinois mais tous inventés par des européens.
Avec le pin yin, on est donc dans un système 100% chinois. Avec comme avantage que ce sont les chinois qui a priori peuvent le mieux maîtriser la translittération de leur propre langue. Avec comme inconvénient que leur utilisation de « notre » alphabet bouscule vraiment nos automatismes de lecture. Résultat : en pin yin on croit être lettré alors qu’on est simplement (à peu près) alphabète. Pour lire en pin yin, il faut apprendre à prononcer de nouveaux sons, totalement inédits dans notre langue, et en réalité réapprendre à lire. Autre (gros) inconvénient : une translittération ne rend pas compte du système de pensée d’une langue, et je commence à sentir que sans l’apprentissage des caractères je vais vraiment continuer à peiner dans la mémorisation du vocabulaire. Et rien qu’à l’idée de devoir commencer les caractères, je suis envahie par le découragement et un sentiment d’à quoi bon ?
Essayer de prononcer le chinois
Écueil dont découle le premier : prononcer le (et distinguer les sons du) chinois est en soit un défi. Que ce soit les consonnes, inédites dans notre langue, les voyelles traîtresses ou les fameux tons qui changent le sens d’un mot mal « intonné », les difficultés sont légions. Tout cela n’est pas facile pour un occidental, mais parait-il pas facile non plus pour un chinois (et ça, ça ne rassure pas). Quand mon professeur me dit « mais ne vous inquiétez pas, à Shanghai ils ne prononcent pas bien, il n’y a que dans le nord-est du pays que les gens savent vraiment prononcer le mandarin correctement », une petite voix en moi se demande pourquoi j’y arriverai mieux (ou même aussi bien) qu’un shanghaien…
Et quand après de beaux efforts dans le premier mois, m’assurant une prononciation correcte pour une débutante, je sens que même cette base là est en train de se dérégler et qu’au niveau de ce que mes oreilles perçoivent je comprends de moins en moins ce qu’on me dit et que tous les sons se ressemblent et se mélangent, je doute. De mes capacités à y arriver, de mon envie de faire tous ces efforts, de l’utilité de tout ceci. Je doute fort, très fort. Et je suis sûre que d’autres que moi sont passés par là, mais ce doute est quelque chose que vais devoir surmonter pour moi-même.
Mon défi personnel en ce mois de Frimaire frigorifiant de l’an I sera donc de ne pas me décourager, et de me mettre enfin vraiment au travail. En commençant l’étude des caractères avant d’envisager de jeter l’éponge. Parce que ce n’est pas la peine de me moquer gentiment de Beauté Brune quand il s’étonne de ne pas comprendre l’anglais après une demi-journée de classe si c’est pour croire naïvement que je vais pouvoir à mon âge apprendre une nouvelle langue sans fournir un réel travail d’étude.
Alors tant pis pour mes doux fantasmes d’un génie linguistique vivant caché au fin fond de mon cerveau, je vais me préparer à ramer laborieusement autant que les autres.
on connait ta volonté, tu vas y arriver
bonnes fêtes de fin d’anée
gros bisous
C’est gentil ça, mais c’est justement la volonté qui vacille. Je vais peut-être demander un regain de motivation à Papa Noël cette année 😉
Bisous !
« Le caractère chinois, ça il en a
Mais les bras tomber, ne laissons pas
Toutes ces difficultés, tu surmonteras
Et bientôt tu en rigoleras »
A ma Copine-Petit Scarabée, qui aime relever les défis … et les gagner !
:)))
Huummmm, la copine-Petit-Scarabée elle aurait bien besoin d’un coaching de type « monte les pieds » ou « tu as un petit graton à main droite » à l’instant t. Fichue dalle toute lisse… 🙂
En même temps, si on y réfléchit c’est pas ça qui manque les gratons sur les idéogrammes, il faut juste oser tenter l’ascension… Aller, on bloque la tête (surtout on bloque la tête) et on monte les pieds ! Et rendez-vous dans quelques mois pour voir si j’en rigole autrement que jaune 😉
Merci ma fille, tu me rajeunis ! Les parents étant toujours plus âgés que les enfants (c’est agaçant mais c’est un constat !) j’ai été confrontée à ce même problème il y a un grand nombre d’années. Certes, La langue et l’écriture chinoise sont les plus sophistiquées et la plus compliquées au monde, et leur apprentissage en est d’autant plus difficile.
Moi aussi je voulais parler parfaitement l’indonésien et même m’inscrire aux Langues O en rentrant en France. J’avais déjà baissé mes prétentions avec l’apprentissage du coréen. C’est effectivement difficile de produire des sons qui n’existent pas dans les langues que nous connaissons ; mais le pire est de ne pas ENTENDRE les nuances. Notre oreille et notre cerveau doivent faire un effort constant pour reconnaître et « apprivoiser » ces nouveaux sons. Il faut du temps. Quand on chante juste, ça aide ! Pour toi c’est déjà un plus !!
J’ai échappé au découragement en cessant de vouloir être Maître es Coréen. Mais surtout, on m’a rappelé que le langage est un moyen de communiquer, même mal ou de façon approximative . C’est ainsi que j’ai perdu tout complexe à ne pas faire une phrase « littérairement correcte », mais à pouvoir être autonome et me faire comprendre simplement dans la vie courante. Ce qui n’empêche en aucun cas d’essayer de s’améliorer !
Vous évidemment, vous vous attaquez à du très lourd : le Mandarin !
Le temps est un véritable allié. La persévérance, tu l »as. C’est juste l’impatience qu’il faudra combattre ….
Ne te décourage pas, petit scarabée !
Si toi ça te rajeunis moi j’ai vraiment l’impression d’avoir un vieux cerveau tout raide quand je n’arrive pas à apprendre (et à reconnaître) certains mots de base. 😉 Certains rentrent sans problème et d’autres restent étrangers comme des cailloux dans ma chaussure… Pfffffff, aller, une leçon après l’autre il faut tenir bon (mais moi aussi je veux des vacaaaaaaaances !! 🙂 ).
Bises !
Mais tu vas les avoir tes vacances : c’est la trêve de Noël bientôt !
D’abord tu te trompes : tu sais beaucoup plus de choses que moi. je ne peux prononcer que 5 ou 6 mots, et sans savoir les écrire !
Toi, au moins, tu as la curiosité et la volonté d’apprendre. Compare toi aux expats qui n’essaient même pas et tu verras ton moral remonter en flèche !
:+))