Un trimestre de peinture chinoise : le bilan

Je me suis fait remarquablement discrète sur la suite de mes aventures artistiques après ma première séance de peinture traditionnelle chinoise. Ça m’étonne moi-même, la discrétion et surtout la modestie n’étant pas vraiment mon genre comme il vous est arrivé de l’entrevoir. Mais ce n’est pas parce que je ne m’en suis pas vantée que j’ai abandonné, et voilà donc l’heure de faire un petit bilan d’un trimestre de cours de peinture traditionnelle chinoise. J’étais toute prête à clamer que j’étais un génie artistique tardivement révélé après ma dernière séance de cours, mais fort heureusement depuis j’ai fait quelques essais seule chez moi et mon soi-disant génie en a pris un coup. Mes chevilles me remercient. C’est donc le moment idéal pour vous faire un petit bilan mesuré de ces trois mois d’apprentissage.

Je commence par la liste des choses que j’adore dans ces séances hebdomadaires et qui fait que tout le monde devrait oser s’y essayer au moins une fois :

  1. La prof. Evidemment, ça compte assez dans ce type d’activité. Talentueuse, mais surtout pédagogue, chaleureuse et drôle, elle nous explique chaque technique pas à pas et nous rend capable de reproduire en l’espace d’une heure quelque chose qui nous semblait rigoureusement impossible le matin même.
  2. L’ambiance. On rit beaucoup, nerveusement parfois quand elle nous dit « bu tai nan » (pas trop difficile) alors qu’on a sous les yeux un « brouillon » qu’elle a fait en deux minutes trente et que nous tenterons de copier laborieusement pendant beaucoup beaucoup plus longtemps sans jamais lui arriver à la cheville. On rit de nous-même, et des autres avec eux. En alternance avec des temps de concentration studieuse sur nos feuilles de riz au son d’une douce musique chinoise. Et c’est incroyablement relaxant.
  3. La diversité. On aborde des sujets différents environ toutes les deux séances (bambous, villes d’eau, pivoines, paniers de fruits, lotus, etc.) et on n’a donc jamais le temps de se lasser d’un sujet qu’on aime moins qu’un autre.
  4. Le style libre. Notre professeur pratique le style Xie Yi (ou style libre), où une forme d’improvisation du geste et d’impressionnisme prime sur l’exactitude des détails, comme cela peut se retrouver dans l’aquarelle occidentale. Et puisque seule l’impression générale, les émotions suscitées, l’interprétation de la réalité visuelle par l’oeuvre compte, on se libère presque immédiatement de ses complexes artistiques.
  5. La recherche de l’équilibre. L’harmonie et le caractère agréable d’une peinture ne tiennent pas tant à la perfection de la technique (quoique cela puisse aider) qu’à l’agencement harmonieux et asymétrique des éléments figurés. Et tant qu’on réfléchit sur l’endroit parfait où tracer son trait, on oublie son manque de technique.
  6. L’odeur. De l’encre de Chine, des tubes de peinture et du tout s’imprégnant dans le papier.
  7. Le mélange des couleurs. Que l’on fait soi-même pour obtenir exactement (ou non) la teinte qui nous plait et les laisser se mêler dans un trait de pinceau.
  8. Le résultat. Je suis souvent épatée d’avoir réussi à produire quelque chose dont je me croyais totalement incapable.
  9. La bienveillance. Dans ce cours, nul ne vient pour poser devant les autres ou leur en mettre plein la vue mais simplement pour partager un plaisir commun, avec nos bons et nos moins bons jours. Mieux vaut ne pas trop faire son malin quand le moindre trait mal placé peut tout gâcher en une seconde.
  10. L’apprentissage de la Chine. Chaque séance me permet d’en apprendre plus sur la culture chinoise, de l’intérieur, et d’avoir l’impression de mieux en pénétrer l’essence.

Pour illustrer mon propos voilà une petite sélection de ma production (un sursaut d’honnêteté m’empêche de les appeler « oeuvres ») pour vous donner un aperçu de ce qu’il est possible de faire en deux heures de cours seulement par semaine et sans aucune compétence particulière préalable. Soyez honnêtes : ça donne envie non ?

Enfin, un bilan ne serait pas vraiment complet sans terminer par une petite liste de « j’aime pas », même si elle ne m’empêchera certainement pas de continuer en septembre. Alors j’aime pas :

  1. Quand je me déçois. Des années d’enseignement de pointe des « arts plastiques » à l’école française ça vous sape votre estime artistique de vous-même jusqu’à la fin des temps. Pourtant il parait que ça existe les bons profs de dessin. Il parait.
  2. Quand je me rends compte que sans les démonstrations de la prof c’est quand même beaucoup beaucoup (beaucoup) plus dur de réaliser quelque chose de correct et que j’ai envie de tout jeter à la poubelle.
  3. Ne jamais maîtriser la quantité d’eau dans le pinceau. Il y en a toujours trop et ça bave. Ou alors j’essore et ça ne peint plus. Sans compter qu’il fait jamais vraiment ce que je veux. Bref, les pinceaux chinois ont une vie beaucoup trop autonome.

Alors maintenant que j’ai exploré tout le plaisir de la découverte, reste à savoir si celui d’un début de maîtrise sera aussi intense. Mais après tout, à génie méconnu rien d’impossible non ?

 

GrandBondMilieu-peinture-chinoise-lotus-2

 

 

23 Comments

  1. C’est toi qui a fait ça ?
    C’est superbe ! J’adore, et c’est pas pour flatter 🙂
    Tu va pouvoir exposer à ton retour, invite – moi au vernissage !

    • Mais oui madame c’est moi qui ai fait ça 😉 Et le pire c’est qu’on a déjà exposé ici à Shanghai (une petite expo très modeste, mais tout de même) et c’était rudement chouette. Pour l’expo en France, il va falloir 1) que je m’améliore et 2) que je produise beaucoup plus de trucs…

  2. Les litchis : gouteux et joyeux avec leurs petits grains de beauté noirs
    Lotus : mystérieux dialogue du rouge et du noir et pleins de mouvements et d’échos dans le reste de la page
    Composition florale : belle sérénité
    Paysage d’eau : On comprend le combat avec l’eau qui gonfle le ciel comme un flanc sitôt sorti du four. Mais les maisons et les fines silhouettes humaines qui se découpent dans la blancheur retiennent le regard. Les couleurs suggèrent l’orage….
    J’ai très peur de l’aquarelle mais vous donnez envie !

    • Il ne faut pas avoir peur… C’est ça le drame de l’approche artistique en France : on pense que c’est réservé à ceux qui ont du génie a priori et qui vont le révéler en deux coups de cuillère à pot au premier essai, et ça bloque psychologiquement tous les autres. Si vous avez envie de vous lancer dans l’aquarelle allez-y, au mieux vous prendrez du plaisir, au pire vous vous apercevrez que vous n’êtes pas le nouveau Bonnard et vous y survivrez 🙂

    • Oui, vu de loin on dirait des vrais. Vu de près on voit mieux les défauts mais c’est pas grave… Dommage en effet d’avoir raté ça lors de votre passage en Chine, mais vu la nombreuse communauté chinoise de Thaïlande il n’est peut-être pas trop tard pour s’y mettre depuis chez vous 🙂

      • Pas bete ton idee depuis la Thailande… mais en vrai, je caresse surtout l’idee de retourner vivre en Chine un jour ou l’autre… L’inverse serait impossible 🙂 Du coup mon ame d’artiste attendra peut etre jusque la 😛
        J’adore tes bambous en tout cas! Tu t’es deja essayee aux crevettes? C’est un motif que je trouve toujours tres chouette.

  3. Et bien moi, je dis bravo. Je n’ai jamais atteint ce niveau, malgré une pratique bien plus longue de la peinture chinoise (bon, OK, je devais avoir 8-9 ans à l’époque). Mais c’est une pratique dont je garde de bons souvenirs (ainsi qu’une tendresse pour l’odeur de l’encre de chine et la douceur des pierres à encres).

    Bonne continuité, et j’ai hâte de voir les progrès sur ce blog !

    • Oh ben oui, 8-9 ans ya prescription, je suis sûre que depuis tu as développé d’autres qualités visuelles et graphiques (rien qu’en faisant de la photo tiens) et que le rendu serait très différent aujourd’hui… Et maintenant j’ai la pression : faut que je progresse sinon tout le monde va être déçu…

  4. Oh j’adore, c’est super beau ! ça donne carrément envie :)))

    PS : j’ai toujours avec moi ton aquarelle « lotus » que j’aime beaucoup. Déjà à l’époque …

    • Alors il va falloir que je complète ça avec un nouveau lotus « made in China » rien que pour toi (challenge : faire quelque chose de potable SANS ma prof, et là c’est nettement moins fastoche). Bises !

    • Si t’en avais tenu un une fois dans ta vie tu saurais que ce n’est pas que drôle, c’est aussi très vrai 😉 Bonne fin d’été !

    • Merci ! Et en Arabie Saoudite comment ça se passe ? Ya un artisanat local qui vaut la peine de s’y mettre ou bien ?

  5. Tiens, ça me fait penser qu’il y a, dans un carton, chez moi, quelques peintures réalisées il y a 10 ans environ. J’avais acheté le matériel et je m’étais abonnée à des revues pour apprendre la technique.
    Le problème, c’est le temps. On ne peut pas tout installer pour 10 minutes, il faut avoir 2 ou 3 heures devant soi.
    Je suis admirative de tes réalisations. Moi, je reprendrai à la retraite … ou pas. Un de ces jours, je vais peut être tout mettre au vide grenier.

    • Oh non, pas le vide grenier ! Et s’il est vrai qu’on ne peut pas s’installer pour 10 mn, on peut déjà faire beaucoup de choses en une heure (surtout si on dispose d’un petit coin où on peut laisser son matériel installé sans trop gêner la vie quotidienne). Mais je suis la première à procrastiner et à me dire que je ferai ça plus tard 😉

  6. Joli !!! On sent qu’il y a « du potentiel » comme disent les agents immobiliers pour te vendre n’importe quoi mais la comparaison ne va pas jusque là. J’achète …

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