Shanghai Baby

Shanghai baby de Weihui c’est ce livre que j’ai acheté dans une brocante en me disant « super, je voulais le lire depuis longtemps » avant de me rendre compte qu’en fait je confondais avec Beijing coma de Ma Jian. Le genre de petite erreur qui permet des découvertes inopinées, je n’allais tout de même pas m’arrêter pour si peu. Me voilà donc découvrant sans a priori cet énorme succès de librairie, paru en 1999, censuré en Chine en 2000, traduit en anglais l’année suivante puis dans beaucoup d’autres langues et emblématique parait-il de la nouvelle génération des jeunes écrivains chinois. Bigre, heureusement que je n’ai découvert tout cela qu’après, je n’aime pas vraiment que les superlatifs influencent ma lecture.

Shanghai Baby, c’est l’histoire de Coco, jeune femme moderne vivant à Shanghai, écrivain ayant publié un premier roman sulfureux et ayant fait ses études de littérature à l’université de Fudan. Weihui étant elle-même une jeune femme du même âge, vivant à Shanghai et ayant fait ses études à l’université de Fudan. Mise en abîme, vous avez dit mise en abîme ? Les mauvaises langues diront que c’est par manque d’imagination qu’elle se déguise si peu ou si mal lorsqu’elle écrit sur elle-même, l’auteur renvoie les mauvaises langues aux pelotes dans sa post-face en expliquant que tout cela est affaire d’authenticité et de capacité à parler de sa philosophie de la vie (sic !)… Au final seul le lecteur est juge.

Shanghai Baby, c’est un peu le livre (ou un des livres) par lesquels le scandale arrive en Chine. Parce que Coco mène la vie bling-bling (et un peu creuse, disons le) de la jeunesse dorée de Shanghai, parce qu’elle vit avec un garçon impuissant, parce qu’elle va assouvir son manque de sexe avec un allemand marié dans des endroits vaguement trash (ok, dans les ch… d’une boite de nuit c’est trash, mais quand même déjà vu), parce que son amoureux impuissant va se droguer, parce qu’elle parle de tout ça sans trace morale et qu’elle érige cette amoralité en philosophie, visiblement convaincue que Confucius et Socrate sont définitivement ringardisés par sa palpitante expérience de la vie. Quelques 110 000 lecteurs chinois ont lu ce livre avant que des plaintes soient portées sur la dimension immorale de l’ouvrage, livré alors au pilon de la censure gouvernementale pour ne se vendre que mieux, sous le manteau en Chine et librement à l’étranger.

Weihui a un incontestable talent d’écriture qui m’a happée dans le roman dès les premières pages. Nul ne pourra lui retirer cela. Mais parce que je suis une lectrice un peu difficile (et ayant sans doute quitté l’adulescence depuis trop longtemps) j’ai regretté pour ma part qu’elle n’utilise pas mieux son talent que dans cette description finalement assez complaisante et narcissique de sa vie. Ce qui pourra sembler sulfureux à certains – notamment les scènes de sexe assez crues – m’a souvent paru un peu artificiel et répétitif, voire un rien poseur. « Avez vous vu comme je suis une fille qui casse les codes de la vieille morale bourgeoise ? Avez-vous vu comme je suis une femme libre ? Avez-vous vu comme je sais bien dissocier sexe et sentiments ? Avez-vous vu à quel point je suis intéressante ? » J’ai trouvé ça presque touchant de jeunesse et naïveté et j’aurais eu envie de lui chanter « ne la laisse pas tomber, elle est si fragile. Etre une femme libérée tu sais c’est pas si facile ». Je comprends parfaitement que cela ait pu sembler révolutionnaire en Chine, je comprends un peu moins je l’avoue l’engouement que cela a suscité dans un occident qui a déjà connu Sade et Nabokov. Bref, vous aurez sans doute compris entre les lignes que j’ai trouvé une certaine forme de paresse littéraire à se décrire ainsi sous toutes les coutures sans parvenir à aller au-delà. Je ne peux pourtant dénier le talent certain de l’auteur. Peut-être l’âge et la maturité apporteront-il à ses romans ce qui m’a manqué dans celui-ci ?

Dernier vertige : je viens de me rendre compte que les couvertures de l’ouvrage, dans chacune de ses versions, présentent une photo de l’auteur elle-même. J’imagine que les services marketing des éditeurs se sont réjouis de pouvoir faire poser cette très jolie jeune femme. Narcissisme quand tu nous tiens…

 

A lire : Shanghai Baby, Weihui, éditions Picquier.

7 Comments

  1. Tsss. Voilà ce qui arrive quand on ne suis pas mes conseils de lecture. A ton avis, pourquoi ne faisait-il pas parti de la liste ? :-p

    Par contre, « Beijing Coma », il faut absolument que tu le lises. Malheureusement, on ne m’a jamais rendu la copie que j’avais prêté, sinon, il serait déjà entre tes mains…

    • Oui maître, je ne recommencerai plus maître, c’est promis 😉 Bon ben voilà, ça arrive à tout le monde de se gourrer. Ceci dit je ne regrette pas de l’avoir lu, j’aime bien me faire ma propre opinion sur les choses, mais je suis assez sûre que ça ne fera pas partie des livres que je relirai 🙂
      Beijing Coma est déjà sur ma liste, faut déjà que j’arrive à finir le pavé de 850 pages que j’ai sur ma table de nuit en ce moment…

      • Bon, pour être tout à fait franche, j’ai quand même bien aimé lire ce livre. Peut-être un certain plaisir voyeuristique, ou tout simplement parce que j’était encore étudiante à l’époque et probablement plus dans la cible. Mais j’en garde tout de même un avis mitigé (d’où le fait que je ne recommande pas en général, mais je ne regrette pas non plus de l’avoir lu).

        Par contre, sur la remarque regardant le style, j’ai moi aussi beaucoup apprécié le style. Par contre, pour en avoir parlé à maman, qui a tenté de le lire en chinois, et à quelques autres chinois qui l’ont lu, ils ont trouvé le style particulièrement horrible. Je me demande donc quelle est l’influence de la traductrice et du fait que maman et ses amis circulent dans des cercles plus classiques/lettrés dans cette différence d’opinion.

  2. J’avais tenté de le lire à sa sortie, attirée par tous les superlatifs dont on qualifiait ce roman. Néanmoins, je n’avais pas réussi à le finir car je m’ennuyais profondément. A l’époque, j’avais mis ça sur le compte de mon incapacité à lire sur des sujets graves ou crus, mais en lisant ta critique, je m’aperçois que je n’arrivais sans doute pas à rentrer dans l’histoire. Quoi qu’il en soit, j’ai bien fait de le revendre, je ne l’aurais pas mieux apprécié plus tard, je pense.

    • J’avoue, je me suis un peu accrochée au milieu en me disant que l’histoire allait avancer, prendre une autre dimension, mais non. Je dirais que l’histoire avance de manière intéressante sur le premier tiers du livre, la moitié au mieux, et qu’après ça patine pas mal (et j’ai eu beaucoup de mal à m’attacher aux personnages, toujours problématique dans un roman).

      • Oui, j’ai dû décrocher après le premier tiers. Je me souviens notamment d’un passage où elle s’auto-cite et où je me suis dit que, quand même, elle poussait un peu trop la complaisance et la mise en abyme. Et en effet, les personnages ne sont pas attachants, ils ont un côté très distant (j’avais l’impression de lire au travers d’une vitre, si l’image est parlante).

        • C’est vrai que cette auto-citation est assez énorme, même si elle m’a amusée : l’auteur qui se met en scène en train de citer à ses personnages le livre qu’elle est en train d’écrire sur elle-même, extraordinaire moment d’autoglorification sans aucune fausse pudeur 😉

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