De l’art de se déplacer à Shanghai

Il semblerait que nous fassions partie des expats « classe moyenne », voire « classe populaire » (avec triple couche de guillemets). Nous nous en sommes rendu compte la première fois qu’un autre expat’ nous a demandé si nous avions un chauffeur et regardé d’un air de commisération parce que la réponse était non. « Ah bon, mais vous parlez chinois ? ». Euuuuuuuh, non plus. « Et ben alors comment vous faites ? »

Et bien voici ici révélé aux expats avec chauffeur (CSP+ parmi les expats) les mystères de nos incroyables pouvoirs de déplacement à travers Shanghai.

1. Nous prenons le métro. Et oui, aussi fou que cela puisse paraître à certains, il est non seulement possible mais facile de prendre le métro à Shanghai, même quand on ne parle pas chinois. Tous les panneaux et les plans de métro sont sous-titrés en anglais, seuls les claustrophobes auront une bonne excuse pour ne pas le prendre. Sans compter qu’à 3 ou 4 yuans l’aller on peut faire au moins 1260 aller-retours en métro par mois (soit 41,6 par jour) pour le prix d’une voiture avec chauffeur. Ecolo et pas cher, le métro shanghaien est hautement bobo-compatible.

Mais ce n’est pas là le dernier de ses avantages. Aux heures de pointe (ou les jours de pluie battante) on se déplace nettement plus facilement et rapidement en métro qu’en voiture, surtout pour un long trajet. Il propre, vaste, climatisé et on s’y sent parfaitement en sécurité quelle que soit l’heure. Les gens y sont beaucoup plus courtois qu’on ne se l’imagine (il est rare qu’ils fassent semblant de regarder ailleurs pour ne pas proposer leur place à une femme enceinte ou une personne âgée…). Enfin, il semble que la régie locale ne connaisse pas la grève, et ça pour un parisien c’est l’antichambre du paradis.

Alors oui, on peut y trouver ça et là quelques menus inconvénients, notamment aux heures de pointe. Le métro shanghaien est-il vraiment pire qu’à Paris à ce moment là ? Je ne suis pas sûre… Si vous avez à votre corps défendu fréquenté régulièrement la ligne 13 ou le RER B, prendre le métro ici aux heures chargées est une formalité. En revanche pour les habitués du trajet Conflans-sainte-Honorine / Cormeilles-en-Parisis, le choc sera plus rude. Autre point possiblement critique : pour prendre le métro encore faut-il trouver une station à distance raisonnable, ce qui est possible dans le centre mais nettement moins probable dès qu’on s’éloigne un peu. Dernier point noir : les correspondances, dont la longueur pourrait largement en remontrer à la station Montparnasse-Bienvenüe. Ne pas oublier de prévoir des baskets et un temps de marge. Enfin, pour un dernier challenge local, mieux vaut connaître à l’avance le numéro de la sortie à prendre et/ou se munir d’un plan de la ville car les plans de situation sont eux entièrement en chinois…

2. Nous prenons le taxi. Moins écolo et un peu plus cher que le métro (mais nettement moins qu’une voiture avec chauffeur), le taxi est ici un moyen de se déplacer au quotidien. A 14 yuans la prise en charge (soit moins de 2 euros) et un prix au kilomètre raisonnable (compter 50 yuans pour une course longue (45 mn à 1h de trajet) et « chère », soit 6 euros), je m’en prive rarement pour les trajets peu commodes en métro ou tardifs.

Et oui, il est possible et relativement facile de prendre un taxi à Shanghai même en ne parlant pas un mot de chinois. Il faut juste se lancer, connaître deux ou trois petites choses et ensuite on y prendrait presque goût. Donc mode d’emploi pour prendre le taxi à Shanghai :

1. Héler un taxi libre (lumière verte) en tendant tout bonnement le bras. Normalement ce processus est rapide, les taxis pullulent et ils ont le coup d’oeil.

2. Pour indiquer sa destination lorsqu’on ne parle pas un mot de chinois, il suffit de montrer l’adresse écrite en caractères au chauffeur (de l’importance des cartes de visite ou d’avoir préalablement photographié l’adresse avec son téléphone). Lorsqu’on se lance en chinois, il arrive que le chauffeur vous fasse répéter plusieurs fois votre destination et/ou vous propose d’autres noms de rue approchants. Ça aide à rester précis sur sa prononciation et humble sur ses progrès linguistiques.

3. Ensuite vient le moment qui angoisse les débutants : le chauffeur commence toujours par un (plus ou moins) long moment de réflexion, assorti ou non de marmonnage dans sa barbe, qui vous laisse croire qu’il n’a absolument aucune idée de l’endroit où vous allez. Parfois il démarre alors qu’il est encore en train de réfléchir. Ne paniquez pas : il est en train de charger son GPS interne et dans 99% des cas il vous amènera finalement à bon port. Pour les 1% restant, il vous demande de descendre avant de démarrer, il ne va pas perdre la face en vous disant qu’il ne sait pas où c’est. Ne pas s’énerver : il suffit de reprendre à l’étape 1.

4. Durant le temps de trajet, ne pensez pas trop. Non, vous n’avez pas de repères dans la ville, surtout au début et vous n’avez aucune d’idée de là où il vous emmène. Non il n’y a pas de ceintures à l’arrière et les chauffeurs conduisent souvent vite. Lâchez prise, louchez pour ne plus voir la route, oubliez la Prévention Routière, oubliez que vous ne savez pas où vous êtes et êtes incapable de demander votre chemin, rappelez vous que quand vous étiez petits vous n’aviez pas de ceinture à l’arrière et que vous êtes toujours vivant, invoquez Dieu, Allah, Bouddha ou qui vous voulez et vous verrez que vous arrivez quand même à bon port.

5. Arrivé à proximité de la destination, le chauffeur va vous demander de lui indiquer où aller. La première fois ça surprend, parce que si on prend un taxi c’est justement parce que LUI est censé savoir où c’est. Mais c’est finalement logique : leur GPS-mémoire interne est plus rustique qu’un GPS militaire. Et dans une ville de 1600 km² allez tomber sur votre cible à deux mètres près juste de mémoire de chauffeur de taxi… Là improvisez, remontrez lui l’adresse ou descendez à un numéro approximatif, en général vous n’êtes quand même pas loin du but.

6. Si par le plus grand des hasards le chauffeur s’est trompé (par exemple parce que votre prononciation en chinois laisse encore à désirer) et vous a amené dans un endroit inconnu, ce n’est pas grave : vous n’avez perdu que quelques kuais, cherchez un autre taxi et recommencez l’opération.

Bon, c’est vrai que c’est un peu moins confortable qu’un chauffeur de maître mais franchement, vous voulez avoir une expérience de la Chine comme les chinois oui ou non ?

 

Alors est-ce que ça nous manque de ne pas avoir de chauffeur ? Pas le moins du monde, je trouverais même cette dépense passablement ridicule. Et c’est peut-être parce que je n’ai pas cette mentalité de vraie expat’ CSP+ que nous ne sommes pas des CSP+, allez savoir…

Finalement la seule corde qui manque encore à mon arc c’est de prendre le bus. Et là je vais peut-être attendre d’avoir un peu consolidé mon chinois pour me lancer…

 

Crédit photo : Wikipedia

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