Comme une envie de France…

Ça prend comme une envie de fraises, mais c’est juste une envie de France. Après huit mois de Chine, de joie de la découverte et de plénitude de l’expatriation, la fin de notre troisième trimestre sur place s’approche et je commence à avoir envie d’autre chose que de Chine. Sauf que ça ne se termine pas au bout de neuf mois, et qu’il nous faudra attendre encore 85 jours pour fouler à nouveau le sol de notre beau pays. Ce qui me laisse deux options gestationnelles : soit je vais dépasser mon terme de deux mois et finir dans je ne sais quel état de zinzinerie avancée, soit je me suis transformée à mon insu en jument ou en baleine (qui gestent onze mois, vous aurez déduit) et je garde l’esprit sain. Je réfléchis encore à savoir laquelle des deux me sied le mieux…

Cette envie de France, je commençais à la sentir frémir depuis quelques semaines, mais sans manque marqué ni inconfort. Or depuis que nous avons pris nos billets d’avion et que nous savons que le 11 juillet débutera par notre atterrissage matinal à Charles de Gaulle, ma petite envie de fraises s’emballe complètement. D’un seul coup j’ai envie de faire une pause avec la Chine, envie d’entendre parler français partout, envie de passer inaperçue dans la rue avec mes enfants, envie de marcher dans Paris, d’aller au Jardin des Plantes, envie de voir mes amis, de manger des choses qu’on ne trouve pas ici, envie de France, de chez nous.

Voici donc une déclinaison des petites envies de France du moment dans notre mini-tribu chinoise :

Les envies de Tara. Beaucoup d’envies gustatives se bousculent au portillon : envie de fromages bien faits, de raclette, de fondue savoyarde, de tartiflette, de yaourts non sucrés et non liquides, de jambon aux herbes, de copa, de pâté aux pistaches, de tarama, de blinis, de crème fraîche, bref de plats estivaux et diététiques. J’ai aussi une envie irrationnelle de supermarchés : de pouvoir faire mes courses en une seule fois, d’avoir envie de tout acheter, de savoir comment préparer tout ce que je vois, de savoir lire toutes les étiquettes sur les produits. Et une grosse envie de magasin Picard, juste pour le plaisir d’acheter des trucs bons et déjà tout faits et même pas chers, des pizzas créatives, des tartes aux épinards-parmesan et de la glace à la confiture de lait. Evidemment très envie de voir mes amis, mes anciens collègues, ma famille, enfin tout ceux qui ont pris le temps et la peine de prendre de mes nouvelles cette année et qui m’ont tellement manqué, de papoter avec eux pendant des heures et d’essayer de rattraper toutes les discussions perdues. Et aussi envie de Paris, de m’y promener, d’en respirer l’air (pollué ces derniers temps parait-il, mais nos poumons sont blindés maintenant), d’en admirer les rues et les quais, de me faire des réserves de bel hausmannien pour mieux résister au laid shanghaien toute l’année qui suivra.

Les envies de MMM. La première et la plus spontanée : une raclette. Et c’est là que je me rend compte qu’il est vraiment MonMeilleurMari parce que nous communions dans le même fantasme d’une razzia chez le fromager de la rue de Tolbiac et que nous partagerons conjugalement la même prise de poids estivale. On se sent toujours moins seul quand on grossit à deux. Sur la liste de ses envies il y a aussi : dévaliser les pâtisseries du quartier, passer une journée tous les deux sans les enfants, aller au cinéma, louer une voiture et pouvoir se déplacer quand on veut, avoir un accès internet haut-débit qui soit vraiment du haut-débit, s’acheter des magazines de photo, et évidemment passer du temps avec ceux qui lui manquent.

Les envies de Beauté Brune. Il a été très clair avec son papa hier : « moi, si j’avais le droit de faire tout ce que je veux, et bien je regarderai la tablette toute la journée, et je mangerai que des frites, des bonbons et des saucisses ». Ce qui nous fait dire que c’est exactement pour ça qu’il n’a pas le droit de faire tout ce qu’il veut. Et sinon comme autres envies pour cet été il y a aller à Disneyland avec son copain Hugo, retourner voir les dinosaures au muséum d’histoire naturelle, retourner à la Cité des Sciences et évidemment voir ses mamies et son papy. Je crois aussi qu’entendre parler français tout le temps lui fera plaisir. Enfin, s’il pouvait croiser son ancienne maîtresse dans le quartier et lui glisser quelques mots de chinois, ce serait la cerise sur le gâteau.

Les envies de Beauté Blonde. Pour le petit, c’est pas compliqué : cette année il veut être dictateur. De la France, de la Chine, des parents, de son frère, peu lui importe du moment que c’est lui qui commande. Ce matin il est allé fouillé dans la commode et il nous a amené un trophée : le T-shirt Mao de son grand frère qu’il a fallu lui mettre par dessus son pyjama, cet enfant connait déjà ses classiques. Evidemment, il a hurlé à la mort quand j’ai voulu le déshabiller pour lui mettre son sobre uniforme d’école anglaise. L’uniforme anglais c’est nul, personne n’a jamais soumis le monde en tapant du pied avec un pantalon à pinces gris. Et si vraiment on ne veut pas le laisser être dictateur, il acceptera par défaut de se rallier au programme tablette-frites-bonbons de son frère. Je lui donnerai un peu de ma raclette, ce sera déjà magnanime.

Avec une telle liste d’envies presque trois mois avant le Petit Saut en Arrière j’espère vraiment qu’elles seront toutes comblées, parce qu’une fois transformée en baleine zinzin je subodore que je ne serai pas un cadeau si on m’expose à la frustration. Et puis surtout il nous faudra bien faire le plein pendant ces cinq semaines pour supporter de se priver à nouveau de tout ça pendant onze nouveaux mois.

Bon, la liste des envies c’est fait, maintenant il va peut-être falloir songer à organiser un peu concrètement nos vacances : on ne va tout pas pouvoir braquer le fromager tous les jours, il va finir par se méfier.

 

GrandBondMilieu_envie_de_france

11 Comments

  1. J’aime beaucoup ton article parce que je suis Parisienne, que le jardin des plantes est mon repaire et le fromage ma drogue^^. J’aime aussi ta façon de raconter, ton humour tout en subtilité. Bref très contente qu’un billet sur Paris nous ait fait nous découvrir 😉 A+

  2. dans un coin de France qui s’appelle la Bretagne c’est la saison des fraises dont celles de Plougastel mais pour ne pas de faire du mal je ne t’enverrai pas de photos, il y a aussi les crèpes, le beurre salé….
    heureusement que les randonnées le long des chemins cotiers éliminent les dérapages alimentaires
    au plaisir de se retrouver

    • Oh oui, des Plougastel… On a des fraises ici depuis décembre (cherchez pas, à Shanghai la saison des fraises et des cerises commence en décembre, on n’a toujours pas compris), mais elles ne valent pas les Plougastel. On trouve du beurre salé dans les supermarchés donc ça c’est bon, mais des bonnes galettes à la saucisse ou oeuf soubise, ça non… Un petit tour en Bretagne, pourquoi pas ? Bises !

  3. Je suis entièrement d’accord avec toi pour la raclette et la fondue (je prèfère la seconde), c’est entre autre la raison pour laquelle je viens aussi faire un petit séjour-garde-d’enfant chaque année dans les Alpes car c’est vraiment ici que l’on trouve le meilleur. Nous étions dans le Jura la semaine dernière, pour voir des amis mais aussi pour le Comté, et nous n’avons pas été déçus. Je veux bien aller voir renée aussi en Bretagne pour les fraises et les galettes mais après votre passage pour qu’il vous en reste assez….
    Donc, comme tu l’as compris, nous aussi dans le Lot sommes confrontés au manque de bons fromages (et au maque de supermarchés où l’on trouve tout ou presque et que l’onv a chercher à Brive sous prétexte de visites médicales) … mis à part les cabecous et le rocamadour bien sur.
    Courage, le but n’a jamais été aussi près !!!

    • Le manque de fromages dans le Lot ???? Vaut mieux entendre ça que d’être sourde ma pauv’ Lucette 😉 Je ne peux pas croire que vous n’ayez pas trouvé un bon fromager capable de vous fournir en fromages divers et dignes de ce nom, c’est pas possible !
      Quant à moi, je tiens bon : plus que 83 jours avant la raclette…

  4. Depuis le temps que je suis en Chine, j’ai souvent remarqué un ras-le-bol des expats présents après un peu plus de 6 mois ici (avec quelques variations en fonction des personnes). J’imagine qu’il s’agit du moment ou l’attrait de la découverte s’atténue peu à peu, qu’on rentre dans notre train train quotidien, où l’on a vraiment le temps de prendre du recul sur sa vie ici, mais où l’on n’est pas encore totalement « sevré » de sa vie en France, pas encore devenu totalement « chinois ». En général, ça passe après quelques mois (ou ça casse, mais c’est beaucoup plus rare).

    Je serai curieuse de savoir si d’autres ont remarqué la même chose aussi, ou si ce n’est qu’une vision de mon esprit ? Et si oui, quelles sont leurs théories à leur sujet ?

    • Je ne le vis pas vraiment – pas du tout même – comme un ras-le-bol de la Chine (si je l’ai laissé sous-entendre c’était plus par boutade) mais plus comme une envie de retourner vers mes racines, mes repères, mon identité, pour mieux revenir ici.

      Et même si je reste dix ans en Chine je sais que je ne serai jamais totalement ni même partiellement chinoise. Une française amoureuse de la Chine peut-être, une drôle de française ne ressemblant pas tout à fait à ceux restés en France éventuellement, mais française toujours… On ne change pas un chat en chien.

      Quant aux autres expats, je les laisse répondre sur leur propre ressenti, je n’ai aucune idée de comment ils le vivent 😉

  5. « Ras-le-bol » était un mot trop fort (ça m’apprendra à écrire trop vite), mais effectivement, plus une envie de retour aux sources, un manque de son pays d’origine.

    Et pour ce qui est de devenir chinois, bien sûr que nous resterons toujours français, avec notre amour du vin et du fromage (chaque année, lorsque je retourne au siège de mon entreprise, en Savoie, je fais des razzias de raclettes et fondues – et j’en rêve quand je n’y suis pas), mais après de nombreuses années en Chine (personnellement, j’ai remarqué qu’il me fallait environ 4-5 ans pour que le déclic se fasse, dans un sens comme dans l’autre), il peut arriver parfois que vienne-t-un jour où la Chine est bien plus « chez nous » qu’en France, où ce sont la France et certaines de ses petites habitudes qui nous deviennent étrangères (par exemple, j’oublie toujours à mes visites en France que là-bas, les conducteurs respectent la priorité aux piétons, et il arrive plusieurs fois qu’avec le conducteur, on se regarde dans le blanc des yeux pendant de longues secondes avant que je ne réalise qu’il me laisse passer, ou j’oublie que les commerces sont fermés le dimanche, voir même que tout le monde parle et comprends le français, et où je commence à parler anglais, puisque que je suis « à l’étranger »…).

    Mais bon, vous avez encore le temps de voir ce moment venir 😉

    • Ahhhhhhhhhhh, vous êtes une copine de raclette et de fondue, vous gagnez vraiment à être connue 😉

      Quant aux habitudes qu’on perd, je sens déjà que devoir boucler ma ceinture à l’arrière d’un taxi une fois arrivée en France va me faire tout drôle (si je ne n’oublie pas carrément de le faire !). Et je crois que je serai bien capable d’essayer de parler anglais dans un moment de laisser aller… Je vous tiendrai au courant des effets secondaires de cette première année… 😉

  6. Il y a longtemps, j’ai été expatriée très longtemps. Effectivement il y a toujours l’énergie de la découverte au début, la confrontation avec des choses drôles, différentes, dérangeantes …. et puis on s’installe vraiment. Pour les plus curieux, on apprend la langue (ou des rudiments), la cuisine, les habitudes du pays. Toujours dans la découverte et un certain émerveillement ponctué d’agacements culturels ou administratifs. Puis vint le manque de certaines de nos habitudes culturelles, culinaires, comportementales. Les premiers manques et les plus forts sont culinaires bien évidemment avec des rêves de certains plats …. Certaines personnes manquent bien sûr. Mais maintenant il y a les mails et Skype ! Ça ne remplace pas mais ce n’est plus l’éloignement total.
    Après des vacances et retrouvailles en France et revenant dans le pays d’accueil, on se retrouve « chez soi » aussi, avec plaisir. On connait son quartier, les trajets, les magasins sans les chercher, des commerçants (est-ce le cas en Chine ?), on se perd plus, on parle plus ou moins la langue. Il m’est arrivé moi aussi de parler anglais en France parce que je n’étais pas dans « mon chez moi d’ailleurs ». Étonnant, non ? mais si normal ….
    En tout cas, c’est avec grand plaisir que je reverrai toute la famille à partir du 11 juillet. Faut-il déjà faire des réservations de créneaux horaires ? :+))

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