Suivi de grossesse France / Chine : quelques différences

Ahhhhhh la grossesse, cet ineffable période de bonheur pur et sans mélange de neuf mois, ses nausées, sa fatigue du premier trimestre, ses possibilités de look hyper pointu, ses kilos en trop, sa rétention d’eau, ses insomnies hormonales, son neuvième mois qui s’étire à n’en plus finir jusqu’au bout du désespoir et aussi (c’est compris dans le prix) son suivi de grossesse. Trois grossesses à mon actif, ce qui veut dire trois vécus différents et également trois suivis différents : me voilà transformée à mon corps défendant en véritable experte de la grossesse. Etant arrivée en Chine avec mes deux premiers loulous sous le bras, j’ai d’abord expérimenté le suivi de grossesse (et l’accouchement) en France. Et puisque pour notre troisième opus familial c’est en Chine que je me livre à cette intéressante activité, je suis en capacité de vous faire part de deux-trois petites particularités locales. Ça servira peut-être aux prochaines et ça divertira les autres.

Plantons déjà le décor : à la base je ne suis pas une bonne cliente pour les grosses mater de niveau 3. La faute un peu à mon amie Wonder Sage-Femme qui me parlait avec des trémolos dans la voix du suivi personnalisé de la grossesse, du choix de son lieu et de son mode d’accouchement, des maisons de naissance et j’en passe. La faute aussi (un peu) à mon sale caractère qui se voyait mal (très mal) composer avec une vision un peu trop paternaliste à son goût de la médecine à la française. Et beaucoup grâce à la chance de n’avoir eu que des grossesses sans problème ne nécessitant qu’un recours minimum à la science médicale. J’ai donc été suivie pour mes deux premiers par une formidable sage-femme libérale qui m’a accompagnée à chaque moment avec professionnalisme et la touche d’amour et d’humour qu’il me fallait. Jusqu’à la dernière étape où elle s’est adjoint les gynécos tip-top de son équipe puisque je n’accouche pas exactement les doigts dans le nez (je vous passe les détails obstétricaux scabreux, on est entre personnes bien élevées).

Alors avec ce parcours, figurez-vous qu’à l’idée d’être enceinte en Chine et de devoir passer par la moulinette d’un parcours surmédicalisé, j’avais déjà des vapeurs. Bonne nouvelle, il est en fait possible de (bien) tirer son épingle du jeu même pour une enquiquineuse comme moi mais cela fera l’objet d’un deuxième billet. Pour l’instant concentrons nous donc sur les petites différences d’un suivi de grossesse entre la France et la Chine. Parfois ça peut surprendre et amuser. Ou pas.

  • Rythme du suivi. Jusque là j’avais connu le rendez-vous mensuel avec ma sage-femme, les trois échographies réglementaires, éventuellement quelques prises de sang et puis c’était tout. En Chine ce sera une fois par mois jusqu’à la 28ème semaine d’aménorrhée (soit 6 mois de grossesse), ensuite ils vous demandent de venir tous les 15 jours (pourquoi ? parce que vous êtes à 28, c’est tout, arrêtez de poser des questions), et même toutes les semaines sur le dernier mois (parce que c’est là qu’on est le plus mobile et qu’on rêve de traverser tout Shanghai juste pour papoter avec son gynéco j’imagine). J’ai d’emblée annoncé la couleur à mon médecin : je comptais bien faire comme en France, une fois par mois et pas plus. Sauf problème médical évidemment, je suis têtue mais pas folle. J’ai bien vu que ça la perturbait un peu, mais traverser tout Shanghai avec mon gros bide juste pour son bien-être psychologique, figurez vous que ma bonté ne va pas jusque là. You know I’m bad, I’m bad, you know it…
  • Business is business. Quant on est suivie dans le privé en France on risque au pire quelques dépassements d’honoraires mais sauf praticien particulièrement dévoyé, en gros on ne fait que les examens nécessaires et suffisants au bon suivi de sa grossesse. En Chine, non seulement business is business mais dans les hôpitaux internationaux medecine is business too. Donc on me propose des examens, beaucoup. A la fois pour rassurer les médecins qui angoissent pour tout (voir paragraphe suivant) et aussi parce qu’une échographie à 3000 kuais à chaque visite c’est pas perdu pour tout le monde. Mais si vous dites non gentiment comme je l’ai fait, ils peuvent aussi revenir à l’examen clinique qui a fait ses preuves. Exemple : « la tête votre bébé pourrait être un peu petit au vu de la dernière écho, on pourrait refaire une échographie pour revérifier » « Ah oui mais j’ai mon échographie du 3ème trimestre dans trois semaines, on peut peut-être attendre jusque là non ? » « Vous ne voulez vraiment pas la faire » « Non, je ne préfère pas » « Bon, on va vérifier la taille de votre utérus alors ». Grande première depuis que je la vois, elle sort donc son mètre ruban pour mesurer la hauteur de l’utérus. « Ah ben non, le bébé n’est pas petit du tout en fait ». Voilàààààà, on pouvait commencer par là, le mètre-ruban c’est écolo et c’est pas cher. Pour ça comme pour le planning du suivi, je n’ai donc qu’une chose à dire : Résiste ! prouve que tu exi-i-istes !
  • Trop d’information tue la tranquilité d’esprit. Alors autant le dire tout de suite, pour une grossesse sereine par ici il faut quand même être solide dans sa tête. D’abord parce qu’à force de voir des médecins angoissés qui vous parlent à coup de « la tête de votre bébé est un peu petite mais surtout ne vous inquiétez pas » (ben non je m’inquiète pas, la microcéphalie c’est trop bien il parait), alors que renseignements pris ailleurs en fait tout est parfaitement dans la norme, vous pouvez vite vous retrouver à avoir des angoisses pour pas grand-chose. Pour un peu que vous soyez hypocondriaque ou d’une nature anxieuse (ou juste primipare, ça suffit amplement), c’est pas vraiment ici qu’on va vous apporter les informations rassurantes pour vivre une grossesse sereine. Mon pompon d’or est attribué aux documents que j’ai dû signer pour dire que je n’allais pas attaquer l’hôpital au cas où mon enfant n’arriverait pas tout à fait dans l’état souhaité. Par curiosité j’ai consciencieusement lu les sept pages pleines de TOUS les risques qui guettaient mon bébé et moi-même avant et pendant l’accouchement. Moi qui me croyais pas mal aguerrie après deux accouchements sportifs, j’ai découvert une liste fichtrement longue de trucs affreux qui pouvaient nous arriver et pour lesquels je devais jurer sur l’honneur que je déchargeais l’hôpital. Si vous êtes du genre angoissée, croyez-moi sur parole : ne lisez rien, signez en bas les yeux fermés, vous aurez bien assez de votre imagination pour flipper sans qu’ils vous aident. Notez que tout ça est fort bien pensé, parce qu’avec l’angoisse qu’ils vous filent vous êtes hyper tentée de reprendre une ou deux échos supplémentaires juste histoire de vous assurer que tout à l’air normal. Cherche ton bonheur partout, va, refuse ce monde égoï-ï-ïste. Resiste.
  • Les échographies silencieuses. Au rayon échographie au moins c’est comme en France, en tout cas sur le papier : trois échos, aux mêmes périodes qu’en France et où les médecins cherchent les mêmes choses. Jusque là tout va bien. Parlons maintenant du concret de l’examen : dans l’hôpital qui me suit l’équipement est dernier cri et l’image visualisable sur un écran télé géant juste en face de moi, parfait. Côté commentaires et petits mots encourageants en revanche mieux vaut venir avec les siens. Je pensais jusqu’ici que mon échographiste parisienne était peu locace, mais ça c’était avant de rencontrer une échographiste chinoise. C’est bien simple : elle ne lâche pas UN mot de tout l’examen. Enfin si, quelques mots à son assistante, en chinois exclusivement, ce qui nous est d’un faible secours. Résultat des courses, on s’est retrouvés avec MonMeilleurMari à commenter nous même les images, ce qui nous a permis de constater qu’à notre troisième grossesse on est devenus assez forts sur les ventricules cardiaques, les hémisphères cérébraux et les fémurs vu du dessous (on patauge un peu plus niveau foie et viscères). Aller, je vais être honnête, elle s’est quand même adressée à nous pour nous dire UN truc : le sexe du bébé. Et on était les plus heureux parents du monde. Je viens te chanter la balladeuh, la ballade des gens heureux.
  • La consultation d’anésthésie. Voilà bien une consultation obligatoire en France, même si vous avez l’intention d’accoucher sans péridurale. Après tout on ne sait jamais quand la nécessité d’une césarienne peut vous tomber dessus. Ici c’est un truc optionnel et c’est le seul moment où on s’est franchement marrés avec MonMeilleurMari. D’abord parce que le gars parlait à peine anglais. On s’est tout de suite dit que ça risquait d’être compliqué pour communiquer rapport à notre niveau de mandarin médical. Mais que nenni : sans un mot ce monsieur m’a tendu une liste (courte et en anglais : deux pages seulement) des risques anesthésiques liés à la péridurale et la rachianesthésie, j’ai signé en bas, il m’a demandé si j’avais des questions, j’ai dit « non, j’ai déjà eu deux péridurales, je vois à quoi ça ressemble », il a dit « très bien » et il est parti. 5 mn top chrono et il ne m’a posé aucune question sur mes antécédents. Moralité : ici les gynécos angoissent pour tout mais les anesthésistes peuvent planter une aiguille dans le dos de femmes qu’ils ne connaissent ni d’Eve ni d’Adam sans sourciller. Des p’tits trous, des p’tits trous, encore des p’tits trous…

Bon, dans tout ça, il y a quand même une bonne nouvelle (j’ai gardé le meilleur pour la fin) : en Chine personne ne pense que vous faire un toucher vaginal à tout bout de champ ait une quelconque utilité dans le suivi d’une grossesse qui va bien. Moi ça ne m’a pas changé parce que ma sage-femme (oui la mienne à moi, celle qui a connu Beauté Brune et Beauté Blonde à leur première seconde) ne le faisait pas non plus, mais pour celles qui ont connu l’hôpital français ça va les changer en mieux (sauf si évidemment vous êtes fan de toucher vaginal, après tout les goûts et les couleurs…).

Si je devais résumer, je dirais qu’en affirmant gentiment mes choix je survis plutôt bien à la moulinette médicale chinoise, et que c’est une bonne surprise. Du coup mon ventre et moi allons fort bien et la prochaine fois je vous dirais comment on peut faire pour se rapprocher au maximum d’un accompagnement physiologique de la grossesse à Shanghai.

Je viens te chanter la balladeuh, la ballade des gens heureux…

 

Source photo : site Enfant.com

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16 Comments

  1. C’est très intéressant, et j’avoue restée perplexe pour la consulte avec l’anesthésiste. Sinon j’ai souri lorsque tu a parlé du touché vaginal, du coup là en chine c’est mieux :), . Belle journée à toi.

  2. J’ai l’impression de lire ce que j’ai vécu pour ma grossesse aux US ! Pas de toucher vaginal (ouf!), des échographies silencieuses, des examens hors de prix pour vérifier tout et n’importe quoi, et bien sûr… le ruban pour mesurer le ventre et te dire à quelle semaine tu es ! J’avais trouvé ça très rigolo et en complet décalage avec le reste, ultra médicalisé… tout comme la balance à poids, non électronique, à l’ancienne ! J’ai hâte de lire la suite ! Je te souhaite une belle fin de grossesse 🙂

    • Ah mais ça le mètre-ruban je l’avais en France à chaque coup, c’est l’examen clinique de base, le truc qui est fou c’est qu’ils essayent de nous vendre une écho à la place. Un ventre qui grossit = un bébé qui grossit, c’est pas bien compliqué à comprendre 🙂

  3. Article très sympa, j’aime ton humour ! Eh bien heureusement que tu n’es pas d’un naturel angoissé, parce que j’ai l’impression que les médecins chinois exagèrent vraiment ! La grossesse n’est pas une maladie et si tout se passe normalement, il n’y a pas de quoi multiplier les examens. Je te souhaite une très belle fin de grossesse, vous devez avoir hâte que le bébé pointe le bout de son nez !

    • Heureusement en effet que je ne suis pas hyperanxieuse, parce que le coup de la tête trop petite ça m’a quand même un peu fait vaciller sur le moment… Mais ils ne m’auront pas !! 🙂

  4. Ahahah, vous etes drolement coriace, tout de meme! Moi j’ai rarement ose dire non a un examen… j’ai la culpabilisation aisee et c’est trop facile de m’avoir 😉
    Pour la liste des risques et des effets secondaires… on m’a demande d’en signer une tellement longue quand j’ai choisi une contraception que j’ai demande (en tout honnetete) si leur contraceptif etait vraiment viable ou s’il fallait que je songe a une deuxieme contraception en parallele. Et la, le medecin m’a regarde super etonne.

    • Très coriace mais tout en douceur 😉 Et ma gynéco est très gentille et très accommodante vis à vis de mes fantaisies de petite française, j’ai jamais eu besoin de me fâcher même quand elle insistait, ça aide…
      Et pour votre liste de risques liée à la contraception vous m’avez fait franchement rire ! Ils sont fous ces asiatiques… 🙂

  5. Si on vous a dit le sexe c’est que je suppose donc que c’est un garçon 😉
    Même si je ne veux absolument pas accoucher en Chine c’est tout de même très amusant de lire sur ce sujet ! Déjà que je suis une grosse angoissée de l’accouchement, la Chine serait la mort pour moi !
    Et encore quand je parle avec des collègues que leurs femmes ont eu une césarienne parce que c’est moins cher et qu’il y a moins de risques que les docteurs nous sortent le bébé n’importe comment je me dis c’est quoi ce pays !

    • En Chine il est interdit de dire le sexe d’un enfant à venir mais comme c’est la Chine il y a toujours des arrangements possibles avec la loi… Dans les hôpitaux internationaux en particulier le sexe de l’enfant à naître est annoncé aux parents qui le souhaitent, même chinois. Mais c’est une information qu’on va garder pour nous jusqu’à la naissance.
      Quant aux femmes de vos collègues, effectivement beaucoup de femmes chinoises accouchent par césarienne dans les hôpitaux chinois (souvent d’ailleurs pour pouvoir choisir une date de naissance auspicieuse) mais ce n’est pas le cas dans les hôpitaux internationaux où on peut accoucher par voie basse sans aucun problème…

  6. j’ai l’impression de me revoir y a 3 ans! C’était ma première grossesse. Aucun toucher vaginal. Heureusement, j’avais une sage-femme française top qui faisait le lien avec Parkway, pas facile de communiquer avec les médecins (je ne parle pas de la langue mais de se « comprendre »).

    • Première grossesse en Chine, mes respects 😉 Je suis contente que ce soit la troisième, je ne suis pas sûre que j’aurais été aussi sereine sur une première…

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