Tuanshan, un village chinois

Après notre premier éblouissement à Jianshui, notre périple au Yunnan nous a emmené à une quinzaine de kilomètres de là dans le village de Tuanshan, non sans passer par le pont du Double Dragon à la sortie de Jianshui. Sa traversée se fait à pied en quelques minutes, et nous n’avons pas boudé notre plaisir d’y être totalement seuls et de profiter de cet ouvrage parfaitement préservé.

D’autres pont anciens moins spectaculaires ont émaillé la route qui nous amenait au village historique de Tuanshan. Construit au XIVème siècle mais devenu prospère au XIXème, il est l’un des voire le dernier village traditionnel du Yunnan encore cerné d’un mur d’enceinte. Il abrite également la très riche demeure de la famille de marchands Zhang, véritable village dans le village constitué de plusieurs maisons, pavillons et courettes. Nombre de demeures historiques et de temples sont ouverts à la visite dans le village (un billet s’achète à l’entrée du site). Là encore nous avons pu parcourir le village dans une tranquillité parfaite, nous étions quasiment les seuls touristes présents et à l’évidence les seuls touristes étrangers.

Et parce qu’une visite sans anecdote est une visite sans sel, figurez-vous que vint le moment fatidique où notre progéniture manifesta sa grande faim à corps et à cris (il est vrai que nous n’avions rien mangé depuis environ deux heures, affameurs sans vergogne que nous sommes). L’épicerie du village fut notre planche de salut puisqu’elle proposait 10 sachets de chips (avec au moins trois parfums différents) à côté de quelques bouteilles d’eau et deux trois autres denrées peu prisées par les estomacs de nos bouffe-tout de Tasmanie. Allons-y pour les chips : nos enfants étaient aux anges, nous pouvions « pique-niquer » sur la table en pierre de la place (« moi j’adore les pique-nique » ne manqua pas de nous signaler Beauté Blonde).

Sur ce arrive en trottinant une charmante grand-mère chinoise, ridée et souriante comme je les aime, toute extasiée devant nos enfants : oh mon Dieu qu’ils sont beaux, et quel âge ont-ils, et depuis combien de temps vous êtes en Chine, et patati et patata, le tout prenant pas mal de temps et de répétition vu notre (mon) niveau de chinois qui a une fâcheuse tendance à stagner (à un niveau bas donc). Elle finit par nous dire un truc qu’on ne comprends pas, et MonMeilleurMari fait appel à toutes ses ressources linguistiques pour interpréter qu’elle nous invite à venir chez elle. Touchés par cette sollicitude authentique d’une autochtone locale, nous nous dirigeons à son rythme de sénateur vers chez elle. Aller à la rencontre des gens n’est il pas aussi l’intérêt du voyage ? Nous ressortons donc avec elle du village, prenons à droite, puis à gauche, croisons des coqs, des visiteurs chinois, et elle nous mène toujours trottinant lentement à une cour magnifique toute en travaux, on passe une porte à droite, on admire le potager « regardez les enfants les jolies courges » et nous voilà enfin arrivés chez elle. Où elle nous désigne un panneau en chinois et anglais approximatif : demeure privée, visite 5 yuans / personne. C’est donc là que s’est éteinte l’hospitalité authentique de la petite vieille yunnanaise, sur le panneau de l’opportunisme commercial.

MMM était agacé, moi j’avoue mi-amusée mi en deuil de la naïveté qui m’a fait (vraiment) croire un instant que notre air sympathique et la beauté de nos enfants pouvaient nous valoir une tasse de thé offerte de bon coeur dans une cour chinoise. Faut que je me méfie, je pense que ma gentillesse s’assortit parfois d’une certaine fibre pigeonne. Vous me direz qu’à 5 kuais la pigeonnerie, ça restait raisonnable. Et au moins on a pu constater que ce village n’est pas qu’un village pour touristes et que oui, certains villageois vivent encore réellement dans ces magnifiques maisons qu’on confondrait aisément avec des musées… Cette leçon valait bien un fromage je crois.

Et pour la prochaine fois j’hésite encore entre vous faire rêver des rizières en terrasse de Yuanyang ou vous parler des ethnies minoritaires du sud du Yunnan. Ce sera la surprise, même pour moi.

 

Crédit photo : comme pour le billet précédent, une grosse majorité des photos sont l’oeuvre de MMM. Il est doué hein ?

8 Comments

  1. Un façon de visiter un pays comme nous aimons Merci pour ce voyage dans le temps et puis l’hospitalité…de cette veille dame est dans le jeu ,peut être l’occasion de gagner quelques sous…. dans d’autres lieux j’ai le souvenirs de « nuées  » de gens qui se précipitent sur les voyageurs ,même si nous voyageons hors des circuits touristiques
    Merci encore ,j’adore ces récits illustres d’un pays inconnu pour moi ,nos voyages ayant toujours pris la direction de l’Afrique et Amérique du sud
    Amitiés d’une Bretonne/Sénégalaise qui vit en Normandie Marie c-Pierre

    • Oui, c’est un peu le jeu, et elle était charmante en vérité. Si ces questions n’étaient qu’attrape-chaland le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle a un bagou commercial incroyable, un genre de reine du marketing du fin fond du Yunnan 😉
      Merci pour votre petit mot, et si à l’occasion vous écrivez sur vos voyages dans ces contrées que je connais peu (surtout l’Amérique latine), n’hésitez pas à me faire signe, j’adorerai rêver un peu sur d’autres destinations…

    • On lui a donné 10 kuais en considérant que les enfants ne payaient pas, et on est repartis assez rapidement pour cause de suite du programme qui nous attendait… Un peu déçus plus que vraiment énervés.

  2. Faut bien que tout le monde vive, hein. Croyez en l’expérience du vieux sage de la montagne (du Plessis), dans 10 ans vous ne retiendrez que les images de la visite, et peut-être le souvenir mi indulgent mi amusé de l’incident commercial.

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