Partir loin de mes meilleures amies

Je crois que je suis entrée dans la phase maniaco-dépressive de la préparation au départ. Un jour c’est l’excitation totale, on va partir youpi, faire de nouvelles expériences youpi, apprendre une nouvelle langue youpi, préparer des cartons à n’en plus finir youpi, youpi, youpi ! Et dire youpi après « on va préparer les cartons » c’est l’expression d’un petit moment maniaque ou je ne m’y connais plus. Et le lendemain (et en ce moment les lendemains c’est en gros un jour sur deux) je traîne ma tristesse tout le jour et pour un peu qu’on me pousse hop je pleure sur l’épaule d’une copine, voire d’une collègue. Ça vous l’aurez reconnu, c’est la partie un poil dépressive (mais alors juste un poil).

Mais que mes nombreux fans (enfin les quelques lecteurs que j’ai autocratiquement inscrits à ma liste de diffusion) se rassurent : ce n’est pas grave, c’est juste que je prends conscience que le départ se rapproche à toute vitesse, qu’avec les congés d’été et tout ça en fait je vais bientôt me retrouver au dernier papotage avec mes copines, au dernier diner, au dernier hammam, au dernier tout et je me retrouverai dans l’avion sans elles avant d’avoir eu le temps de dire ouf. Et quand je dis « mes copines » en vrai c’est de mes meilleures-amies-pour-la-vie que je parle. Euuuuh oui, j’ai quarante ans et j’ai encore des meilleures-amies-pour-la-vie et j’espère même qu’elles seront encore mes meilleures-amies-pour-la-vie dans vingt ans. Ça me rajeunit voyez vous d’avoir des meilleures amies et pas juste des amies (et j’ai aussi des amies).

Si vous les connaissiez comme moi vous vous rendriez compte à quel point  c’est affreux que je ne puisse pas les emmener avec moi. On est devenues copines en étant comparses de cordée. C’était au temps où je n’avais pas encore d’enfants et où je faisais du sport plusieurs fois par semaine, au temps où j’avais encore l’âge de partir à l’UCPA (et elles aussi), au temps où nous passions nos week-end à grimper sur des falaises ou à essayer de nouveaux chaussons au Vieux Camp’, ou nous savions faire une manip’ de corde les yeux fermés, où on s’offrait un jeu de dégaines ou une corde de 70m pour nos anniversaires, où on croyait qu’un jour on grimperai en tête dans du 6a avec grâce et facilité. C’était il y a un bon bout de temps.

En plus de l’escalade, qui nous a tout de même occupé quelques années, on a vite rajouté d’autres petites choses à notre éventail d’activités : papoter des heures autour d’un thé, se demander quand est-ce qu’on allait rencontrer un mec, se plaindre de ceux qu’on avait rencontrés, et aussi tester et comparer nos marottes bio-bobo-new-age improbables. On a commencé soft avec mon osthéopathe un peu psy qui est vite devenu notre osthéopathe commun, et puis on a essayé successivement l’homéopathie (classique, puis uniciste, beaucoup plus élitiste), et puis l’acuponcture, et puis même l’osthéopathie intra-pelvienne (très très confidentiel ça). Il y a eu aussi les périodes potions drainantes, les tisanes bio diverses et les thés de luxe, l’hydrothérapie du colon, les oligo-éléments, les probiotiques, le régime Kousmine et les petits-dej’ Budwig. Et puis aussi le Feng Shui, qu’on a appliqué chacune à notre sauce avec des bonheurs divers, la machine à pain (qui a fini par partir dans un ménage Feng Shui). Et puis les tirages de cartes, avec les tarots et aussi avec le jeu Féminitude qui nous a permis d’explorer « notre part féminine » en hurlant de rire durant des heures. On a été contaminées par le virus Harry Potter que Wonder Sage-Femme a contracté au Tibet (les voies de J.K. Rowling sont impénétrables) et qu’on s’est refilées les unes les autres. Magic Soprano a bien résisté un peu et puis elle a basculé dans la saga elle aussi et on a attendu en choeur et avec impatience les derniers épisodes qu’on a lu en anglais. Bien sûr on a eu aussi notre période Bridget Jones dont les déboires amoureux nous parlaient des nôtres (c’était notre période célibataires ou mal casées). Et last but not least, on a partagé (longtemps et souvent) nos expériences chez nos psys respectifs : nos psychothérapies du début, nos années de psychanalyse ensuite, nos changements de méthodes et de psy (-chologues, -chiatres, -chanalystes, -chothérapeute, -haptothérapeute, -bizarrothérapeute), et surtout nos changements intérieurs. A nous trois on cumule un sacré paquet d’années chez les psy (25 ? 30 ? 35 ? je ne sais pas si c’est une bonne idée de calculer) mais (maintenant) on va très bien, merci. Plus ça va plus on a de l’humour, c’est à dire qu’on est guéries (sauf d’un petit grain de folie peut-être).

Et bien sûr elles ont été là chaque fois que j’en ai eu besoin. Quand je suis tombée raide-dingue amoureuse il y a très longtemps, que je me suis rendue compte qu’avec lui c’était no future et que ça ne changerai pas, que j’ai pris mon temps pour le quitter, un bout de temps à me remettre, que j’ai essayé de nouveaux modes de rencontres, rencontré MMM sans savoir que ce serait MMM, emménagé avec lui, fait un premier puis un deuxième bébé et commencé à rêver qu’il devienne un jour MMM. Et évidemment elles seront auprès de moi le jour de notre mariage. Si êtes là vous aussi vous les reconnaîtrez facilement : elles signeront le registre juste après nous. Bref, on s’aime vraiment toutes les trois, on est très tristes de se séparer, et je sais déjà que c’est pas demain la veille que je trouverai à Shanghai des copines-soeurs aussi proches que Wonder SF et Magic Soprano. Alors certains jours je pleure un peu, mais c’est parce que j’ai la chance d’avoir rencontré les meilleures meilleures-amies-pour-la-vie du MONDE et qu’on n’aime jamais être séparé de sa chance.

Alors rendez-vous à Shanghai les filles ! On se privatisera le meilleur spa-hammam de la ville pour l’occasion. Because we’re worth it.

 

Crédit photo : Greg Clouzeau sur TL²B (Tribune Libre de Bleau)

escalade_chaussons

4 Comments

  1. Ah bin tu m’as fait verser une larme avec tes histoires de copines !
    Bisous, et tu verras, tout ira bien là-bas, et avec ton humour féroce tu vas les dézinguer les coutumes chinoises 😀

  2. Quand on déprime, il faut rationaliser : alors allons-y !
    En 2 mois (3 mois d’ici le départ – les congés de chacune), avec un peu d’organisation, à raison d’un hammam et d’un déjeuner tous les 15 jours, de 1,5 thés et 1 diner par semaine, restent 4 hammans, 4 déjeuners, 12 thés et 8 diners…. soit bien plus qu’en 2011 ou 2012.
    Pas sure d’être très rassurante avec mon calcul…. On est maniaque comme on peut. Moi, je compte.

    • Pour arriver à ce résultat il va falloir tout de suite montrer à nos gnomes squatteurs d’agenda qui est le maître ! Voilà un challenge où je ne m’y connais pas (n’est-ce pas Wonder SF ?).
      Aller, je signe tout de suite pour les 4 hammams, 12 thés et autres agapes entre copines. On noie son chagrin comme on peut, moi c’est les pâtisseries orientales et le thé au hammam…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Soyez bons en calcul et validez votre commentaire :