Le vol des griffes de la nuit

Hourra ! Nous voici arrivés au soleil, loin de la météo hostile de cette dernière semaine à Paris, loin des tracasseries du travail, dans la maison d’une amie à 10 mn des plages (OK, des plages avec requins taquineurs d’orteils, mais c’est la preuve que l’eau est chaude) et avec des tas d’idée d’activités ludiques en tête et des siestes tous les après-midis avec les enfants. Et tout ça pour trois semaines d’un repos bien mérités avec MMM et les petits loulous.

Oh oui on a rudement de la chance, mais le bonheur dans les îles, c’est pas donné à tout le monde figurez-vous. Ehhhhhhh non : ça se mérite. Car avant d’arriver dans ce coin de paradis il faut oser se lancer dans les 12h de vol de nuit avec deux gremlins surexcités qui font le tour de l’aérogare en courant, avec comme perspective pour la nuit d’avoir le mini sur les genoux. Et quand je dis sur les genoux ce n’est pas une simple expression vu que Beauté Blonde dépasse le poids maximum autorisé pour les nacelles-bébé. C’est le seul moment dans l’année où on regrette qu’il n’ai pas un petit retard de croissance au lieu d’une courbe de poids de futur pilier de rugby.

Voilà donc à quoi a ressemblé notre répétition générale du Grand Bond :

10h30. Les enfants viennent de partir au parc avec la nounou, je commence les valises par la leur.

10h40. Les affaires de Beauté Blonde remplissent à elles seules les deux-tiers de la valise que j’ai prévue pour les DEUX enfants, et je continue d’en rajouter. Lui il est tout petit, mais pour le déplacer quelque part il faut encore une tonne de barda (une petite pile de couches d’avance, une turbulette pour qu’il dorme bien, une moustiquaire contre les vilains moustiques tropicaux porteurs de dengue ou de chinkungunya, une cape de bain, des couches de bain pour la plage (tout le paquet), des bouées diverses et variées, des shorts pour la journée, des pulls pour la soirée, et puis, et puis, et puis). Je me dis qu’il va falloir que je redescende à la cave chercher une troisième valise, je commence à angoisser.

10h50. Une attaque soudaine de valisite commence à avoir ma peau : je m’éparpille dans les 1000 petites choses à ne pas oublier (j’en ai évidemment oublié la moitié au final) et le stress monte devant l’ampleur du volume des bagages. Et je n’arrête pas de me dire que pour Shanghai on aura au bas mot deux à trois fois plus d’affaires à prendre, si ça continue je fais une crise d’angoisse (sachant qu’avant cette année je n’ai absolument JAMAIS angoissé à l’idée de faire une valise). J’ai bien conscience c’est le Grand Bond qui m’angoisse en réalité mais ça ne m’aide pas du tout.

11h00. Toutes ces valises c’est décidemment trop d’angoisse, je fais une pause en mangeant un carré de chocolat devant une niaiserie télévisuelle.

11h10. Je m’y remets en préparant mes affaires, j’ai l’impression de n’avoir rien à me mettre et que je vais être habillée comme un sac pendant toutes les vacances. J’essaie de philosopher en me disant que les vacances ne sont pas faites pour avoir l’air chic et que l’essentiel est d’avoir quelque chose sur le dos. Ça ne marche pas, j’ai quand même l’impression que j’aurai l’air d’un sac.

11h20. Je m’assois sur la valise des enfants et je saute dessus pour arriver à la fermer. Une fois fermée je me rends évidemment compte que j’ai oublié d’y mettre plusieurs choses qui sont maintenant juste à côté de la valise fermée. Je les rajoute dans mon propre sac, j’ai peur que tout le contenu me jaillisse au visage si je la rouvre.

11h30. Tout ce à quoi j’ai pu pensé est prêt (moins les choses que j’ai oubliées et dont je me rappellerai à l’aéroport). Je laisse un peu de place pour MMM qui devrait arriver pour le déjeuner et doit se charger de ses affaires. J’ai l’impression d’être nulle puisque je n’arrive pas à faire comme d’habitude les valises de manière rationnelle.

12h30. Toujours pas de MMM, mais quand est-ce qu’il rentre ? Je n’ai absolument pas faim mais je me force à manger quelque chose.

13h00. Toujours toujours pas de MMM, mais pourquoi faut-il que je sois seule pour préparer tous les bagages ? Le taxi vient nous prendre dans 1h30 !!!

13h10. MMM appelle pour me dire qu’il rentre d’ici 20 mn. Il m’avait déjà envoyé un SMS mais évidemment je ne l’ai pas lu. Va-t-on réussir à être prêts dans l’heure qui suit ?

13h30. MMM arrive enfin, il me trouve l’air décomposé, ce qui est assez conforme à mon état intérieur. Un petit calin et ça va mieux. Il boucle ses valises en 15 mn et me rassure sur le fait que si on a oublié quelque chose ce n’est vraiment pas grave.

14h30. On commence à orienter notre petite troupe vers l’ascenseur et à y charger les bagages. C’est à ce moment précis que la nounou se rend compte qu’elle a oublié son téléphone dans l’appartement déjà fermé à clé alors que nous avons déjà un pied dans l’ascenseur et que le taxi nous appelle pour nous dire qu’il est en bas (dans notre rue étroite et à sens unique). La nounou semble être la seule à ne pas être stressée à l’idée de ne pas se presser et respecter notre horaire.

14h40. Nous sommes tous installés et sanglés dans le taxi, les bagages (finalement pas si nombreux : trois valises et la poussette) sont dans le coffre, nous seront largement en avance à l’aéroport. Je commence à me calmer. Beauté Brune s’exclame « je suis trop content de prendre l’avion ! », Beauté Blonde regarde partout avec l’air d’un lémurien pris dans le faisceau d’une lampe torche.

15h10. Arrivée à l’aéroport, direction l’enregistrement parce qu’il est impossible de s’enregistrer par internet quand on a un bébé sur les genoux : la machine ne connait pas cette configuration. D’ailleurs visiblement il n’y a pas que la machine qui ne la connaisse pas : le monsieur de l’enregistrement doit nous abandonner 10 mn pour aller obtenir la signature de son supérieur pour pouvoir rattacher Beauté Blonde à nos places. Il nous explique que lui n’est pas chef et que c’est pour ça qu’il ne peut pas le faire. On dépose la poussette aux bagages hors gabarit et nous sommes parés pour le contrôle de police.

15h30. Contrôle de police OK, reste la sécurité. Dans le sac à langer nous avons 3 biberons de lait, 2 biberons d’eau, 2 pots de purée/pâtes/jambon, 4 compotes, 1 flacon de crème solaire indice 50+. Nous sortons tout cela du sac pour les rendre bien visibles dans un bac. La préposée l’oriente vers sa collègue du sur-contrôle de sécurité, laquelle va passer chaque biberon et flacon dans un spectromètre (vous savez, la super machine qu’ont les Experts pour analyser en 30s une substance inconnue). Son spectro ne marche pas (elle passe tous les biberons dedans pour bien s’assurer qu’il ne marche pas), donc il faut tout recommencer et passer dans le spectro du chef (qui celui-là a l’air de fonctionner).

15h45. Alors que c’est pile l’heure du goûter nous pouvons enfin récupérer la nourriture des enfants et la leur donner (n’aurait-ce pas été plus rapide d’en passer par la bonne vieille technique du goûteur au lieu du spectromètre ?). Nous sommes enfin en salle d’embarquement. Pour notre vol, embarquement prévu à 16h55. On est bons, ça va passer vite.

15h55. Les enfants s’éclatent devant la vitre à regarder les avions et les engins techniques.

16h00. Beauté Blonde commence à trouver que les avions c’est toujours pareil et que c’est plus rigolo de courir le long de la vitre, derrière une rambarde où on a toutes les peines du monde à l’attraper. C’est d’ailleurs visiblement ça le plus rigolo : qu’on n’arrive pas à l’attraper.

16h30. Courir derrière la rambarde et faire courir les parents est décidemment beaucoup plus drôle que de regarder les avions. Beauté Blonde est en nage et se met à hurler dès qu’on le prend dans les bras en essayant de trouver 2 mn de calme. De tous les enfants (très nombreux) présents en salle d’embarquement le nôtre est le SEUL à courir dans tous les sens sans s’arrêter. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?

16h35. MMM s’aperçoit en regardant nos cartes d’embarquement que nous ne sommes pas assis à côté. Est-ce de ne pas être chef qui a perturbé le monsieur de l’enregistrement et qui lui a fait oublié de nous signaler ce petit détail ? La perspective de passer la nuit avec Beauté Blonde sur les genoux, Beauté Brune à côté et MMM un rang derrière nous fait monter mon niveau d’hystérie intérieure d’un cran (extérieurement je tente de rester une sphynge). MMM reste calme : on va essayer de faire un échange de place avec un autre passager.

16h40. Notre vol est retardé, embarquement prévu à 17h55. Ne pas craquer, ne pas craquer. On emmène Beauté Blonde marcher et courir, tout vaut mieux que la coursive (et la course-poursuite).

17h55. Embarquement. Nous sommes prioritaires vu que nous avons un bébé (ça sert au moins à ça). Beauté Brune est trop content de monter enfin dans l’avion, il fait des sauts de cabri et c’est rigolo. Beauté Blonde a retrouvé son regard de lémurien effaré, les situations nouvelles lui font un drôle d’effet.

18h00. Nous sommes à nos places et nous attendons nos voisins de rangée pour faire un échange de place.

18h20. L’avion est plein, les seuls qui manquent à l’appel sont nos voisins de rangée. Ils finissent par arriver bon derniers : deux parents et trois enfants dont un nouveau-né. Eux aussi sont séparés sur deux rangs mais le papa veut bien échanger avec MMM et rester avec ses grandes sur le deuxième rang. On respire un peu.

18h25. Les hôtesses et stewards nous proposent une nacelle, on leur explique que ça ne va pas être possible avec le poids de Beauté Blonde. Ils reviennent 2 mn plus tard : une autre famille avec un nouveau né n’a pas de nacelle et ils nous demandent si on veut bien échanger nos places avec eux (je n’ai jamais vu un tel nombre de bébés sur un seul vol). C’est pas qu’on ait follement envie de retraverser l’avion qui roule déjà vers la piste de décollage mais on accepte quand même, à vrai dire trop polis pour dire non. 1 mn après on revient nous dire que l’autre famille est en route et qu’il faut qu’on y aille tout de suite. Sac à langer, barda, enfants déchaussés, traversée de l’avion avec le tout et posage dans nos nouvelles places (avec 3 fois moins de place pour nos jambes, nous sommes ravis).

18h30. Décollage, Beauté Brune ouvre grand la bouche. Je crois d’abord qu’il est scotché par la vitesse et la puissance du moteur avant de comprendre qu’il essaie d’appliquer la technique que je lui ai montré pour décompresser ses oreilles. Il peut refermer la bouche pour le moment, nous n’avons pas encore quitté le sol.

19h15. Ils commencent à servir les repas. On doit se relayer avec Beauté Blonde et manger chacun notre tour.

20h00. Tous les plateaux sont ramassés, la lumière baisse en cabine, on est censés pouvoir commencer à dormir.  Nous allongeons Beauté Blonde sur nos jambes en espérant qu’il ne va pas hurler pendant des heures.

20h15. Beauté Blonde ferme les yeux et s’endort, sans râler. Notre fils est un ange.

20h45. Notre fils est un ange mais bouge comme Mohammed Ali dans son sommeil. Ça promet.

21h15. Après plusieurs tentatives infructueuses j’arrive à raisonner Beauté Brune et à éteindre son écran. C’est l’heure de dormir lui dis-je.

22h00. Beauté Brune n’arrive pas à trouver le sommeil, il geint de fatigue et bouge dans tous les sens. Beauté Blonde se tortille en même temps sur mes genoux, je n’arrive plus à suivre le film que j’ai choisi pour me distraire du fait que je sais que ne vais pas dormir.

22h15. Beauté Brune pleure et geint sans discontinuer dans un demi-sommeil, son frère s’assoit en pleurant et se débat pour ne pas se rallonger. Le voisin de siège de Beauté Brune a choisi la fuite, voilà 15 mn qu’il a disparu. Ne pas craquer, ne pas craquer.

22h25. Beauté Brune vient de s’allonger sur la place de son voisin fugueur. Au grands maux les grands remèdes, je fais un peu de place à nos pieds et l’allonge par terre en priant pour qu’une hôtesse ne vienne pas nous dire qu’il doit rester attaché à son siège. 1 mn après il dort profondément. J’en profite pour allonger Beauté Blonde à sa place sur le siège.

23h30. Beauté Blonde continue à s’agiter. Impossible de dormir. Ils devraient faire des avions couchettes pour les vols de nuit. Avec des distributeurs de Tranxen.

00h00. Beauté Blonde se calme, je m’endors enfin tout en veillant dans un demi-sommeil à ce qu’il ne tombe pas sur son frère.

4h00. Lumière dans la cabine et réveil pour tous. Les enfants dorment à poings fermés et n’arrivent pas à se réveiller. Youpi ! On va pouvoir prendre le petit-déjeuner tranquilles avec MMM, même si on a les yeux qui piquent.

5h00 (heure de Paris). Atterrissage avec vue sur la mer et les montagnes.

7h15 (heure de Saint-Denis). Récupération des bagages et en route pour les vacances. YOU-PI !

12h30. Sieste bien méritée, 3h30 de sommeil profond pour tous.

Bon, normalement les répétitions générales c’est fait pour rater le maximum de trucs et que tout se passe comme sur des roulettes le jour de la représentation. Donc après tout ça, normalement on devrait avoir un Paris-Shanghai royal non ? Aller, rendez-vous fin août pour vous raconter ça, nous en attendant on reprend des forces…

 

Aeroport2014

 

 

 

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