Au musée des affiches de propagande

Il existe à Shanghai un petit musée sur lequel vous ne risquez pas de tomber par hasard : celui des affiches de propagandes (le Shanghai Propaganda Poster Art Center). Même muni d’un guide touristique et de la bonne adresse, vous risquez fort de vous demander si vous n’avez pas fait une erreur en arrivant devant cette résidence. President Mansion (ça ne s’invente pas) ressemble à toutes les autres résidences de Shanghai : plusieurs buildings carrelés et pas très beaux, une barrière et un gardien à l’entrée, et rien qui annonce clairement l’existence d’un musée en ce lieu. Pourtant, dès la barrière franchie, le gardien vous accoste : « museum ? museum ? » et vous tend un petit papier imprimé avec le trajet à parcourir pour rejoindre le musée. On contourne donc deux immeubles pour arriver au bâtiment 4, direction le sous-sol et on y est.

Rien de ce que j’ai vu jusqu’ici ne ressemble à ce musée, pas même les petits éco-musées ruraux que l’on croise parfois en France. Dans ce sous-sol propre mais rustique (on se croirait dans un local à vélos) sont simplement punaisées sur des panneaux de contre-plaqué une fort intéressante collection privée d’affiches de propagandes. Intéressantes par la variété de leurs thèmes, de leurs styles autant que par l’uniformité des mécanismes de glorification d’un système politique.

En fonction des périodes, les affiches mettent en avant des thèmes variés : ruralité, production d’acier, demande de libération de la Corée ou de Taïwan, chasse aux insectes et aux rats, soutien à la lutte pour les droits civiques des noirs américains, engagement dans le travail, soutien aux protestations anti-guerre du Vietnam, lecture du petit livre rouge, glorification de la pensée de Mao Dzé Toung, puis plus tard de Deng Xiaoping, etc. J’avoue que l’utilisation d’éléments de politique intérieure américaine comme outil de propagande chinoise m’a particulièrement étonnée. De même que le fait que les artistes qui réalisaient les affiches sexy, voire coquines, de l’avant-guerre soient les mêmes qui aient produit ces affiches au langage pictural codifié et limité. Et ne parlons pas des représentations stéréotypées : une affiche figurant des soldats chinois écrasant d’un énorme pied un soldat américain verdâtre aux doigts et au nez crochus n’aurait pas déparé au milieu de la propagande nazie. Autre temps, autres idées, autres buts politiques mais même ficelles pour manipuler les masses crédules. Propagandistes de tous les pays unissez-vous !

La visite, assez courte, se termine dans la salle du fond par des affiches datant d’avant la Chine communiste et des dazibao, dont les caractère énormes (et leur association historique à la révolution culturelle) m’a fait un peu froid dans le dos. C’est en passant à la sortie par la boutique que j’ai eu le sentiment de toucher du doigt à l’histoire et que l’émotion m’a prise. On y trouve des reproductions d’affiches ou des mugs à l’effigie de Mao, mais également un certain nombre d’affichettes originales ou de photos d’époque, ou encore des petits livres rouges usés datant de la révolution culturelle. Tous ces objets authentiques, pas simplement reproduits pour les touristes et l’exploitation d’un bon filon de maorketing, m’ont vraiment émue. C’est une part d’histoire de Chine que l’on trouve dans ce sous-sol, au même titre que les productions de la Chine impériale qui s’étalent dans les grands musées.

Merci donc à M. Yang Mei Pei d’avoir constitué cette collection privée unique au monde et de nous la faire partager. Et bravo à ce musée à petit budget d’organiser de belles expositions à l’étranger (Hollande, USA, Grande-Bretagne, Japon, Australie, …) pour présenter au monde cette part d’histoire. Faites donc comme tous les occidentaux qui viennent voir ce musée de l’affiche de propagande : courrez leur donner vos vingt yuans !

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