Macao, ville sino-portugaise ou luso-chinoise ?

Si vous avez un peu suivi nos pérégrinations, nous avons passé la semaine du nouvel an chinois à Hong Kong. Les deux faits n’étant d’ailleurs pas corrélés, nous y avons passé la semaine même si vous n’aviez pas tout suivi. Et dans cette semaine consacrée à notre douce et reconnaissante progéniture nous avions projeté d’aller passer une petite journée à Macao, une journée de découverte sans activité particulière pour les enfants. Mais avec quand même deux heure de ferry – une à l’aller, une au retour – si ça c’est pas une activité pour enfant je sais pas ce que c’est. Bon. Nous étions donc en route pour cette « zone administrative spéciale » (traduire « chinoise mais pas complètement avec des règles différentes ») et impatients de découvrir cet ancienne enclave portugaise en Chine devenue la Las Vegas locale.

Alors parce que sans le savoir nous étions en train de débuter un petit cycle de schcoumoune un peu collante, ça n’a qu’à moitié bien commencé. On arrive au terminal des ferry : bonne nouvelle on avait la bonne adresse, mauvaise nouvelle il y avait une queue de dingue. C’est là qu’on s’est dit que le conseil donné par un collègue de MonMeilleurMari n’était pas dénué de sens : il avait recommandé d’acheter nos billets la veille, hum. Bon, restait à faire la queue avec nos enfants enthousiastes à l’idée de piétiner longuement, et au fur et à mesure qu’on se rapprochait des guichets on se rendait compte qu’ils étaient en train de vendre les billets pour les ferrys de 11h30 (il était 9h10). Les guichets d’à côté vendant les billets de 1ère classe pour dans 10 mn, on se dit « tant pis, on paiera juste les billets plus chers », on ronchonne un peu mais faisons contre mauvaise prévoyance bon coeur. Et c’est là qu’on se rend compte qu’on vient de poireauter 15 mn pour rien parce que nous sommes dans la queue des secondes classes et que non, on ne peut pas aller au guichet des premières depuis cette queue. C’est le guichet juste à côté mais on peut pas, cherchez pas, c’est de la logique chinoise, vous pouvez pas comprendre. Alors on sort de la queue et on fait une deuxième queue, celle des première (beaucoup plus courte et pour cause, les billets sont deux fois plus chers). MMM lorgne sur le trajet en hélicoptère (15 mn au lieu d’une heure, formidable, et aucune queue au guichet) mais les tarifs nous ramènent directement sur terre (500 € par personne l’aller simple, et nous sommes quatre : va pour le ferry). On passe l’immigration, on joue des coudes pour lutter contre la foule en délire qui veut accéder au bateau comme si elle fuyait des bombardements alors qu’ils ont tous un billet numéroté (c’est de la logique chinoise, cherchez pas, vous pouvez pas comprendre) et on s’installe tranquillement dans les fauteuils confortables de la première. Dix minutes plus tard tout le monde s’est remis de son énervement : ils nous servent un plateau repas comme dans l’avion, les enfants sont aux anges, Macao nous voilà.

A l’arrivée sur Macao, la vue sur la « skyline » des casinos ne nous a pas exactement renversés de beauté. Vous voyez Las Vegas ou Atlantic City de jour ? Ben un peu pareil mais en chinois, et avec un ciel gris en prime. Mais pas de panique, c’est surtout le vieux centre que nous sommes venus voir, ce n’est donc pas un hôtel de casino – fut-il doré et palmiforme – qui va nous faire peur. Dix minutes de taxi plus tard nous étions à pied d’oeuvre et là autant vous le dire j’ai adoré, mais alors adoré me promener dans Macao. Si j’étais plus jeune je dirais même que j’ai grave kiffé, oui Monsieur, oui Madame, je connais même quelques mots de djeuns. J’aurais déjà aimé ce vieux quartier portugais en temps normal, mais décoré pour le nouvel an chinois tout cela formait un mélange étonnant qui m’a emballée. Je me suis donc mise à sautiller sur place et à répéter en boucle « oh j’adore, j’adore, j’adore » (quand je suis excitée par quelque chose de nouveau j’ai un petit côté perroquet bondissant). Et nous avons retrouvé ce mélange architectural luso-chinois ou sino-portugais partout où nous ont portés nos pas.

Au fil de notre inspiration nous avons donc arpenté les rues du quartier autour des ruines de l’église Sao Paulo, en commençant par le Largo do Senado, ses lanternes de nouvel an et son remarquable dallage noir et blanc. En tombant sur l’église Saint-Dominique (Largo de Sao Domingos évidemment) on ne me tenait plus : une église, portugaise, en pleine Chine, il fallait que j’aille la visiter c’était o-bli-gé. Et là on se serait cru transportés au Portugal avec toutes ces madones et ces saints baroques, ça m’a totalement dépaysée, j’étais aux anges (attention, jeu de mot). De Sao Paulo nous sommes montés à la citadelle, ou nous avons pu regretter que les canons opportunément dirigés sur le Lisboa (l’affreux casino doré emblématique de Macao) ne soient pas chargés. Nos pas nous ont ensuite portés vers le quartier San Lazaro au travers de rues totalement désertées, et c’est là que j’ai subitement compris l’intensité de mon plaisir à être là : Macao est une ville dans laquelle on peut se promener sans but précis et simplement prendre plaisir à regarder les rue, les bâtiments, les églises découvertes par hasard. Tout ce que j’adore faire en Europe et dont nous sommes privés en Chine vu la hideur de l’urbanisme local (je gage qu’il y a aux enfers un espace spécialement réservé aux urbanistes chinois, mais cela n’engage que moi).

Nous avons même largement arpenté les allées du cimetière de Saint-Michel Archange, non loin de l’église Saint-Lazare, ce qui nous a donné l’occasion de constater combien le métissage de Macao est réel  et profond : nombre de tombes comptent des familles sino-portugaises, ou présentent des photos de chinois portant des noms résolument portugais, ou des inscriptions tombales en français, chinois, portugais, latin, le tout en un émouvant mélange de cultures et de religions. Avec quelques folies Napoléon III rappelant le père Lachaise pour faire bonne mesure. Nous avons fini par une exposition d’artisanat chinois dans les locaux du Bureau des affaires municipales et civiques, sans doute le seul endroit au monde où les azuleijos se marient avec des cerisiers de nouvel an chinois…

Mon seul regret à Macao : que notre bateau de retour (et la fatigue de nos enfants) nous ai obligés à partir en fin d’après-midi alors que je me serai bien vue marcher encore quelques heures dans cette ville. Si c’était à refaire je prendrai mes billets la veille et j’y passerai une grande et longue journée pour pleinement en profiter, voire deux.

Et nous voilà maintenant avec de furieuses envies de voyage au Portugal… Comme quoi la Chine peut inspirer bien des choses.

 

12 Comments

  1. Comment avons nous pu louper cela 30 years ago…!?
    Bon, en passant, te sachant hispaniste mais pas lusitaniste, je te précise ( c’est important pour mes multilinges petit enfants) que phonétiquement:
    . MACAO ou MACAU se prononce bien MA-CA-O, contrairement à
    . LISBOA se prononce LIS-BON
    . SAO PAULO se prononce SAN PA-OLO, et non SA-O POLO, horreur!
    . SELEçAO se prononce SELECION, et non SELESSAO, double horreur!!
    Tu pourras ainsi briller d’un nouveau savoir en société (Quoique, au royaume des incultes et du sabir journalistique aggravé, de béotiens interlocuteurs pourraient trouver le moyen de critiquer ta prononciation)

    Bisous

    • Je pense que c’est facile de passer à côté quand on ne voit que le côté casino (et là c’est vraiment moche). Il suffit d’une ou deux photos du reste pour donner envie d’y aller 🙂
      Quand à ton aide précieuse pour les prononciations portugaises je vais faire de mon mieux mais mon portugais étant ce qu’il est (de même que ma passion pour le football) je crains de ne m’en servir que fort peu. Bisous !

    • Oh oui, moi aussi j’adore (les azulejos aussi d’ailleurs, je ne suis pas sectaire). Qu’est-ce que ça va être quand nous irons enfin au Portugal… Bises !

  2. Merci, j’ai pu retourner quelques minutes a Macau grace a toi ! J’avais beaucoup aimé aussi mais je dois dire que ca a l’air encore plus chouette avec les décos du Nouvel An chinois !

    • Le charme de le voir en dehors du nouvel an chinois doit quand même tenir au fait que ça doit être moins la foule (là, il faut bien avouer que sur les sections les plus empruntées c’était quand même très très très crowded 😉 ). Bises !

  3. Quel beau voyage vous m’avez fait faire, au petit matin! J’ignorais qu’il y avait autre chose a Macao que ses casinos. Vos photos me transportent en d’autres lieux et d’autres temps! C’est fou qu’on puisse encore trouver ca en Chine (et que les Chinois ne cherchent ni a detruire ni a exploiter ce petit bijou)!
    Bref, il faut que j’arrete de lire vos billets de voyages en Chine… Vous allez me faire craquer et me voir un jour debarquer avec mes valise mon mari et pire, mes enfants 😉 .

  4. Ça fait tout drôle de voir des paysages européens en Chine! Belle façon pour les chinois de se dépayser, j’espère qu’ils apprécient au moins. Le Portugal est juste craquant, je ne connais que Lisbonne mais ça ma suffit pour tomber sous son charme. Mais dis-moi, à Macao, il y a bien plein de casinos? J’en ai souvent entendu parler. A vrai dire, dès que quelqu’un mentionne Macao, c’est toujours en lien avec les Casinos et la prostitution. Qu’en est-il?

  5. Pour moi Macao n´était qu´un immense bordel sordide et je découvre une petite merveille grâce à toi. Merci.

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